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tamoul est encore estimée. L’un de ses successeurs, Schultze, a continué et achevé celle de l’Ancien-Testament, dans le même idiome et Fabricius, missionnaire de la même Société, a doté de toute une littérature chrétienne, cette langue, parlée aujourd’hui encore par près de 100 millions d’âmes.

Dans la partie de l’Asie, qui est sous la domination ottomane, les Capucins et les Jésuites étaient amenés par le service des Missions (étrangères à étudier le turc, l’arabe et le persan. Les premiers avaient établi à Péra (faubourg de Constantinople), les seconds à Smyrne, un séminaire pour l’instruction des futurs agens de propagande. C’est avec leur concours que le grand ministre, qui donna la plus vigoureuse impulsion à notre mouvement colonial, fonda l’institution des Jeunes de langue. « Dorénavant, dit un arrêt du Conseil de commerce du 18 novembre 1669, les drogmans et interprètes dans les échelles du Levant, résidant à Constantinople, ne pourront s’immiscer à la fonction de leur emploi, s’ils ne sont Français de nation. » Ainsi parlait Colbert et l’arrêt complémentaire de l’année suivante, décida que « chaque année seront envoyés aux échelles du Levant, six jeunes garçons de neuf à dix ans, qui voudraient volontairement y aller et iceux réunis dans le couvent des Capucins de Constantinople et de Smyrne, pour y être élevés dans la religion catholique, apostolique et romaine et à la connaissance des langues, en sorte qu’on pût s’en servir avec le temps pour interprètes desdites langues[1]. » Louis XIV envoya dès lors dans ces deux villes de jeunes Français doués d’aptitudes linguistiques, mais, comme les vocations devenaient de plus en plus rares, le roi, après des négociations avec la Compagnie de Jésus, institua au collège Louis-le-Grand, douze bourses, pour douze enfans Arméniens et autres Levantins qu’on élèverait dans la religion catholique et seraient destinés à aider nos missionnaires en Orient. L’institution subit une nouvelle modification en 1720 : elle fut laïcisée par Louis XV, qui supprima la destination missionnaire et attribua les bourses à des enfans de huit ans environ, issus de famille française habitant « le royaume ou les échelles du Levant et y exerçant le négoce ou le drogmanat. » En conséquence, un maître de langues turque et arabe fut attaché audit collège. Un préfet des études était spécialement chargé de la « Chambre des enfans ou

  1. F. Masson, les Jeunes de langue, Paris, 1881.