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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/676

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UNE
CAMPAGNE EN BELGIQUE

LA MONTANSIER Á BRUXELLES

Quand, quelques jours après Valmy, Dumouriez revint à Paris, c’est en triomphateur qu’il y parut. Dans les rues, à l’Assemblée, dans les clubs, au théâtre, on acclamait le héros ; les salons — il y avait encore des salons à Paris en septembre 1792, — se le disputaient à l’envi ; et, dans un pêle-mêle d’élégances anciennes et de luxe récent, jolies courtisanes, actrices, femmes de l’ancien régime souriant au nouveau, se pressaient autour de lui avec journalistes, officiers, artistes, hommes politiques, agitateurs et tribuns populaires.

Dans cette société un peu mélangée, Dumouriez trônait ; il pouvait parler en maitre, en général, en vainqueur, et, dans une soirée chez Mlle Candeille, Marat s’étant approché de lui pour réclamer, avec un peu de hauteur, après avoir décliné son nom, la mise en liberté de quelques volontaires, mis au cachot pour indiscipline : « Ah ! ah !… c’est vous Marat, dit le général, en toisant son interlocuteur ;… je n’ai rien à vous dire. »

Inviter Dumouriez, recevoir Dumouriez était une faveur ; pour les théâtres et les lieux publics, c’était une réclame enviée. La demoiselle de Montansier, — elle signait encore ainsi, — directrice d’un théâtre récemment ouvert et qui est devenu de nos jours le Théâtre du Palais-Royal, ne fut pas une des dernières à vouloir fêter l’homme du jour. Elle se connaissait en héros et savait comment, avec eux, doivent en user les actrices, car dans sa jeunesse elle avait vu le maréchal de Saxe revenir vainqueur de Fontenoy et couronné de lauriers à l’Opéra.