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à la fonction digestive. Ils voulaient pour lui un rôle et une place. Ils espéraient un regain de faveur qui, en effet, lui est venu. Ils ont eu la satisfaction d’assister à une demi-réhabilitation de l’activité gastrique. Dans la série des actes dont l’ensemble forme « une digestion, » la sécrétion de l’estomac reprend en effet un rôle et une place importante, grâce à son acidité. Cette place, c’est la première, au point de vue chronologique tout au moins, puisque le suc de l’estomac est l’antécédent et le stimulant des sécrétions pancréatique et intestinale chargées du chimisme digestif : son rôle c’est celui d’un primum moyens mettant en branle toute la machine.

Sur quelques autres points, ceux-là secondaires, l’intervention transformatrice de l’estomac a été reconnue réelle. Il n’est pas vrai que cet organe reste absolument étranger à la digestion des alimens féculens, gras et sucrés. Il y a une catégorie de féculens dont il opère la digestion : ce sont ceux qui contiennent l’espèce de fécule qui l’on appelle inuline. Par son acidité encore, le suc gastrique les transforme en sucre de lévulose, absorbable et utilisable. Or la part des féculens de cette nature dans l’alimentation n’est pas absolument insignifiante : les topinambours, la chicorée, en contiennent de grandes quantités.

En réalité l’opinion scientifique informée n’a pas le caractère absolu que nous aimons à lui donner ; elle tient compte de toutes les observations ; elle fait à chaque organe sa part exacte ; elle ne dit point que le pancréas est tout dans la digestion et que l’estomac n’est rien. Ces affirmations tranchantes, intransigeantes, absolues, sont le fait des auteurs de seconde main. Elles ont néanmoins un avantage, à la condition que l’on n’en soit pas dupe : c’est de faire mieux apercevoir, en l’exagérant, la signification générale des faits et d’en donner pour ainsi dire d’un coup une vue intensive qui devra ensuite être rectifiée dans les détails.

C’est sous le bénéfice de cette restriction qu’il est permis de distinguer, dans l’évolution de nos connaissances sur la digestion au cours des temps, trois phases ou périodes : la période ancienne, ou « règne de l’estomac » qui s’étend de l’antiquité jusqu’au milieu du XIXe siècle et dont les représentans sont Aristote, Plistonicus, Galien, Van Helmont, Réaumur, Spallanzani ; « le règne ou la période du pancréas » avec Claude Bernard, Kühne et Pavlow : enfin « la période de l’intestin » qui se lève dans le lointain et qu’annoncent les travaux des physiologistes du moment présent, parmi lesquels il faut citer encore Pavlow, l’illustre professeur de l’Institut impérial de médecine de Saint-Pétersbourg, qui a découvert la kinase intestinale,