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Delezenne et Frouin ont dû une partie de leur succès à l’emploi perfectionné des procédés de fistule.


IV

On s’est étonné que les propriétés digestives du suc pancréatique soient restées si longtemps ignorées et que l’estomac n’ait pas été dépossédé plus tôt de son rôle usurpé. Le pancréas était connu depuis longtemps. Les anciens, uniquement guidés par les caractères anatomiques et par les ressemblances de forme et d’apparence extérieure, avaient comparé cette grosse glande abdominale aux glandes salivaires. C’était déjà l’opinion de Galien. Le père de l’anatomie avait déclaré que le pancréas verse dans l’intestin une sécrétion qui est analogue à la salive. On suivit docilement son opinion. Toutefois, les anatomistes du XVIIe siècle se préoccupèrent de connaître mieux la structure de l’organe et d’en obtenir le suc.

Ce fut Georges Wirsung qui en trouva le conduit chez l’homme. Il est resté connu sous le nom de canal de Wirsung, et la mémoire de cet anatomiste a été sauvée de l’oubli par une découverte à laquelle il n’avait peut-être pas la plus grande part. On raconte, en effet, que c’est Maurice Hoffmann, dont il était l’hôte, dans l’automne de 1642, qui lui montra le conduit de la glande chez les oiseaux, chez le coq d’Inde, et lui fournit l’occasion de le trouver chez l’homme. Un an plus tard, au milieu des querelles suscitées par cette observation, comme il était d’usage en ce temps-là, pour presque toutes les nouveautés anatomiques, Wirsung périt assassiné.

Vingt ans après, en 1662, Régnier de Graaf, dont tous les historiens de la médecine connaissent bien le nom, consacra une dissertation au suc pancréatique, à sa nature et à ses propriétés. Il recueillit ce suc, ou il crut du moins le recueillir au moyen d’un flacon disposé en face du point où le conduit pancréatique débouche dans l’intestin. Une gravure annexée à son mémoire représente un chien muni de ce dispositif. Cette manière de procéder n’a pas dû lui fournir la moindre goutte de suc, car la sécrétion se tarirait immanquablement chez un chien traité de cette façon. Régnier de Graaf s’est manifestement trompé sur ce point. Mais cette tentative avait donné l’éveil et, après la publication de De Graaf, les travaux sur ce sujet se multiplièrent. C. Brunner, en 1683, passe pour avoir pratiqué la ligature du canal pancréatique et avoir extirpé la glande chez plusieurs chiens. Ces animaux survécurent à l’opération, ce qui conduisit le savant à conclure