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Ce n’était pas une loi Falloux, ce n’était plus une loi Chaumié : c’était la loi Delpech, c’était la loi Combes. Dans l’exposé des motifs d’une loi que, ministre de l’Instruction publique, M. Combes présentait à la Chambre des députés le 4 février 1896, il parlait avec dédain de ceux qui se proposaient « de supprimer la liberté de l’enseignement en reconstituant un monopole pour jamais disparu » ; et voici que le monopole allait reparaître sous sa toute-puissante présidence. Il s’était montré favorable à l’amendement Delpech, qui préparait l’échec sur un point essentiel de la loi présentée par lui-même de concert avec le ministre, étonné sans doute alors de cette défection. Il l’avait voté ; il s’était prêté à la transformation du projet primitif dans cet esprit et la consacrait dans le vote final de la loi par son propre suffrage.

Avant cette conclusion, plusieurs voulurent expliquer leur vote : l’amiral de Cuverville, le vicomte de Montfort, M. Prevet, M. de Lamarzelle, M. Bérenger. J’avais dit moi-même, de ma place : « Cette loi, conçue par le ministre dans une pensée de conciliation, a abouti, vous savez sous quelle influence, à une loi de combat et de destruction. C’est pourquoi je la repousse. »

Après mes nombreux échecs dans la discussion, j’avais eu pourtant un succès posthume. Le président avait dit :

« Avant de donner la parole à ceux de nos collègues qui ont à présenter des considérations sur l’ensemble, j’ai à faire connaître que la commission a fait remarquer avec juste raison qu’il y a lieu de remplacer, dans le titre même de la loi, l’expression « enseignement secondaire libre par celle d’ « enseignement secondaire privé, » qui figure, à l’exclusion de toute autre, dans le texte même des articles.

« Il n’y a pas d’opposition ?…

« La rectification sera faite. »

Et M. Bérenger : « La commission est sincère ; elle qualifie elle-même son œuvre ! »

Appeler la loi qui venait d’être votée loi sur l’enseignement secondaire libre, c’était en effet un trop criant mensonge. Avec l’addition que j’avais proposée, le titre, accepté par la commission, était devenu une épitaphe : Loi SUR L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE PRIVE — DE LIBERTE.


HENRI WALLON.

Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.