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sempiternelles, et que, sauf la petite et rondelette duchesse de X…, il n’y a rien à pêcher pour lui dans ces parages.

Adieu, Monsieur, veuillez ne pas m’oublier et me rappeler au souvenir de M. le marquis de Castellane et de M. Dumège ; je suis surpris le n’avoir pas reçu de ses nouvelles.

J’ai échoué au ministère de l’Intérieur en demandant pour lui un supplément de souscription. Le fait est qu’on n’a plus le sou.

Votre bien dévoué

PROSPER MERIMEE.

16, rue des Petits-Augustins.

23 janvier 1835.

Une autre lettre est datée du lendemain de l’attentat de Fieschi.


Chartres, 29 juillet 1835.

Mon cher Monsieur,

J’ai quitté Paris hier une heure avant l’assassinat ; mais j’ai lu vingt lettres, et chacune contenait une version différente. Il me semble difficile de prouver, ce qui, je le crois, n’est pas douteux, l’existence d’un complot. Je crains aussi qu’on n’exploite mal l’indignation publique, qu’on ne lui en demande trop, et qu’on n’en obtienne rien.

Il est fâcheux que les députés ne soient pas à leur poste, et, dans les quinze jours qui s’écouleront nécessairement avant leur réunion, on pourra faire bien des bêtises.

Comment le Roi ne croirait-il pas à son étoile, se trouvant sans blessure au milieu d’un cercle de morts et de blessés ?

Votre aimable lettre m’est arrivée, hélas ! un peu tard. « Mon siège était fait, » et Tetricus venait de recevoir de moi son certificat d’authenticité imprimé, lorsque votre enquête a tout gâté. Quand on veut vivre et mourir antiquaire, il faut de la philosophie et prendre son parti gaîment lorsqu’on a été mystifié. Pourtant, dans toute cette affaire, il y a quelque chose d’inexplicable. Je ne puis me lasser de me demander cui bono, et quels ont pu être les moyens d’exécuter du faussaire quel qu’il soit. Je m’y perds.

Vitet, à qui j’ai conté ma déconvenue, je pourrais dire « notre, » car lui aussi croyait à l’antiquité non seulement des bas-reliefs, mais des inscriptions, Vitet persiste.

Il nie le témoignage de la cassure miraculeuse et du morceau aussi miraculeusement retrouvé. Entre vingt-cinq solutions plus ou moins saugrenues qui me sont venues à la tête depuis votre lettre, je me suis arrêté à cette hypothèse que Chretin et peut-être votre collègue de La Haye, avaient trouvé un antique, qu’ils en avaient fait faire une copie, laquelle ils avaient vendue, se réservant de vendre l’original plus tard, histoire de faire de doubles profits.