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faveur auprès du Roi et de Mme de Maintenon ne fût pas ébranlée par cette récidive. Cette faveur fut au comble jusqu’à la fin du règne, et rien ne vint plus troubler les relations de la tante et de la nièce. Elle faisait partie de la petite société que Mme de Maintenon elle-même appelait sa Cabale et qui se composait, entre autres, de la duchesse de Noailles, également sa nièce, de la marquise de Dangeau, de la marquise de Lévis et de quelques autres encore. Mme de Maintenon se délassait dans leur société de la contrainte qu’elle était obligée de s’imposer durant les longues heures que le Roi passait dans son appartement ; parfois elle se réfugiait dans celui de Mme de Caylus pour y goûter un peu de solitude et de repos. Elle célébrait en petits vers les charmes des dames qui composaient sa Cabale, et voici le couplet qu’elle consacrait à Mme de Caylus[1] :


De Caylus le beau visage
N’est pas le plus grand trésor ;
Son humeur vaut mieux que l’or
Quand on sait en faire usage.
Son commerce est délicieux
Et l’emporte sur ses yeux.


Mme de Caylus lui adressait des vers également, ou plutôt, en lui envoyant un bouquet, elle adaptait à son adresse des vers de Marot.


Du plus simple bouquet on estimoit l’hommage
Au bon vieux temps, car tel étoit l’usage ;
Et pour certain en tous lieux on tenoit,
Si qu’un bouquet donné d’amour profonde,
C’étoit donner toute la terre ronde,
Car seulement au cœur on se prenoit.


Elle continuait en joignant au bouquet l’offre de son cœur.


Un cœur au moins est chose plus solide
Au tribunal où la raison décide.
Vous connaissez le mien, vous savez ce qu’il vaut.
J’ose le dire ; il est tout comme il vous le faut,
Respectueux, tendre, et fidèle,
Pour vous se sentant chaque jour
Une inclination nouvelle,
Pour vous quiétiste en amour,
Des plus constans, des plus sincères,
Un vrai cœur en un mot du bon temps de nos pères[2].

  1. Souvenirs sur Mme de Maintenon, t. I, p. 172.
  2. Ibid., p. 173.