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Je me trouvois fort bien avec vous quand je vous proposai de vous en aller, et je ne pus vous dire adieu sans larmes qui étoient toutes de tendresses pour vous. Ceci s’adresse à vous deux. (Mme de Dangeau avait accompagné Mme de Caylus.) Vous n’étiez pas à la Ménagerie que je songeai à vous écrire, et je voulois répondre à une grande lettre que j’avois reçue de vous ce matin, mais, en la relisant, je trouvai que je vous avois dit tout ce que je voulois vous écrire, et par une grande modération je remets à aujourd’hui. » Mme de Caylus insiste cependant pour que ces visites soient plus fréquentes, et comme Mme de Maintenon voudrait au contraire les réduire à deux ou trois par an, c’est entre elles le sujet d’une discussion et l’occasion d’une lettre où Mme de Maintenon marque fermement sa volonté : « Ne voyez-vous pas que vos voyages excitent les autres à faire de même ? Vous êtes trop raisonnable pour ne pas voir qu’il ne convient pas à une personne retirée, et par de si bonnes raisons, de passer sa vie à concerter des rendez-vous... En vérité, ma chère nièce, je ne saurois croire que vous ne renonçassiez de bon cœur au plaisir que vous avez de me voir si vous pouviez comprendre ce que je souffre des visites que je reçois. Elles sont mauvaises à mon salut, à ma santé, à mon repos, à ma conduite. Les conversations ne sont pas agréables ; on entend toujours recommencer ce qu’on vouloit ignorer, et les nuits sont cruelles. »

Quelque résolution qu’elle déploie pour maintenir cette barrière autour d’elle, il était cependant deux personnes (en plus de Mme de Caylus) par qui elle la voyait franchir sans trop de déplaisir. C’étaient Villeroy et la marquise de Dangeau.

La manière dont Villeroy se comporta envers Mme de Maintenon depuis la mort de Louis XIV achève de justifier ce brevet de galant homme que nous lui avons décerné à propos de ses relations avec Mme de Caylus. Gouverneur du jeune Roi en crédit auprès du Régent, il témoigna une invariable fidélité à celle qui avait été la compagne des dernières années de son vieux maître. Assez fréquemment il la venait voir, et il ne semble pas qu’elle se soit défendue contre des visites où tous deux se plaisaient à revenir sur le passé et où ils mêlaient leurs larmes. Souvent aussi il lui écrivait « des lettres d’un style plus tragique que celui de Racine et passant même Longepierre. » Parfois, elle lui répondait par de petits billets très courts, mais affectueux, de ce ton un peu mélancolique et désabusé qui avait