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toujours sans nouvelles. Les impatiens qui, continuellement, s’enquièrent au comité des recherches en rapportent les informations les plus déconcertantes : le Roi est à Aulnai, près Paris, dans la maison d’un brasseur royaliste, M. Acloque[1]. Un instant plus tard, on apprend que la famille royale est arrivée à Metz ; que le Comte d’Artois se prépare à passer la frontière à la tête de quarante mille hommes ; « mais qu’il attendra le mois d’août, pour ne pas soulever les paysans en saccageant les moissons[2]. » Vers une heure pourtant, le bruit persistant circule qu’un courrier vient d’arriver à l’Hôtel de Ville, apportant la nouvelle officielle de l’arrestation du Roi à Lille. Un huissier dépêché rapporte une lettre de Bailly : « Le même bruit s’est propagé à la municipalité comme venant de l’Assemblée : l’une et l’autre versions sont également fausses[3]. » Et la séance se poursuit lamentablement morne. Tronchet présente longuement un projet de décret sur « le cumul de la dîme avec le champart, » bientôt abandonné pour la lecture de la formule du serment adoptée par le Comité militaire ; ceci du moins intéresse : on voit passer à la tribune tous ceux qui, à un titre quelconque, font partie de l’armée, et aussi tous les chevaliers de Saint-Louis : Beauharnais, le premier, prononce la formule et prête le serment[4] ; chacun, après lui, monte les degrés, étend la main et dit : « Je le jure ! » Une centaine de membres défilent ainsi, très applaudis par leurs collègues ; et, l’intermède terminé, on se voit, faute d’occupation, contraint d’en revenir « au cumul de la dîme avec le champart. » A trois heures, la séance est suspendue et reprise à cinq heures et demie. Rien, toujours : on passe une heure à entendre un rapport sur l’exécution des droits de traite, une heure à discuter le projet d’une adresse aux Français.

  1. Archives du greffe de la Cour d’Orléans, 1re édition, page 204.
  2. Ibidem, page 205.
  3. Bailly ajoute : « Le peuple, cependant, est persuadé de leur vérité et le Conseil général vient de prier tous les députés des sections qui se trouvaient à l’Hôtel de Ville de retourner dans leurs quartiers et d’employer les moyens les plus prompts pour faire revenir le peuple de son erreur. »
  4. En voici la formule : « Je jure d’employer les armes remises en mes mains à la défense de la patrie et à maintenir contre tous les ennemis du dedans et du dehors la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale. Je jure de mourir plutôt que de souffrir l’invasion du territoire français par des troupes étrangères, de n’obéir qu’aux ordres qui seront donnés en conséquence des décrets de l’Assemblée nationale. »