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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/197

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temps se combinent plus volontiers avec certaines autres, et si l’analyse peut les en séparer, ce n’est qu’en leur ôtant tout ce qui fait leur réalité vivante. Il n’existe sans doute nulle part un parti qui souhaite la guerre pour la guerre et qui n’applaudirait, si elle était possible, à la création d’un tribunal international assez puissant pour assurer dans tous les cas la paix entre les nations civilisées, mais il n’en est pas moins vrai que la propagande « pacifiste » a été, surtout dans ces dernières années, l’œuvre des partis socialistes ; que l’idée « pacifiste » se trouve presque toujours en combinaison avec d’autres idées qui sont généralement le socialisme collectiviste et révolutionnaire, l’internationalisme et la haine de toute religion. Sans doute, il n’est pas de l’essence du « socialisme, » si l’on prend le mot dans son sens propre, d’être internationaliste, ni d’être anti-religieux ; mais, pratiquement, dans les « partis socialistes, » ces différentes idées ne vont guère les unes sans les autres. « Le socialisme, écrivait récemment M. Naquet, est intimement lié à l’élargissement des patries. Pour lui, nos patries actuelles sont trop étroites et elles éclatent sous sa poussée. » Ce sont là d’ailleurs des faits assez connus, assez publics pour qu’il ne soit pas besoin de les démontrer plus longuement.

Si les « partis socialistes » étaient en réalité ce qu’ils voudraient faire accroire aux peuples qu’ils sont, c’est-à-dire avant tout préoccupés de l’amélioration du sort des classes ouvrières, ou encore s’ils étaient des partis constitués pour obtenir la collectivisation des moyens de production, leur sympathie aurait dû dans le conflit actuel, aller à la Russie ; tout au moins auraient ils dû rester neutres. L’empire des tsars est une nation de paysans, de petits cultivateurs ; la grande industrie y est de création récente et elle n’occupe qu’une fraction relativement peu importante de la population ; les ouvriers, dans les usines russes, ne sont ni plus exploités, ni plus surmenés qu’en Allemagne, en Angleterre ou en France ; peut-être même la comparaison serait-elle souvent à l’avantage de la Russie. En outre, la communauté de village, le mir, ne réalise-t-elle pas un type de propriété collective ? Et enfin, si jamais, depuis un siècle, un acte accompli par un souverain a pu être à bon droit qualifié de « socialiste, » n’est-ce pas l’émancipation des serfs par l’ukase d’Alexandre II suivi des mesures qui les ont peu à peu aidés à devenir tenanciers libres et petits propriétaires ?