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l’amitié des deux pays, qui aurait été en tout temps un bienfait pour le monde aussi bien que pour eux-mêmes, présente un caractère particulier de convenance et d’opportunité. Eussions-nous fait quelques sacrifices pour atteindre ce résultat, qu’il faudrait encore se féliciter de l’avoir atteint.

Les arrangemens conclus se divisent en trois groupes principaux : 1° Terre-Neuve-Afrique ; 2° l’Egypte et le Maroc ; 3° le Siam.

Nous ne parlerons que pour mémoire des jalons plantés en vue d’une entente future aux Nouvelles-Hébrides, et du retrait fait par l’Angleterre de la protestation qu’elle avait élevée contre les droits de douane établis par nous à Madagascar. Ce ne sont pas choses négligeables, mais ce sont choses secondaires à côté de celles dont il nous reste à dire un mot.

Terre-Neuve était une question délicate entre nous. Il faut rendre à l’Angleterre la justice qu’elle n’a jamais contesté, qu’elle a toujours reconnu, et qu’elle a constamment fait respecter, non parfois sans difficultés pour elle, les droits que le traité d’Utrecht nous avait attribués, en 1713, sur une partie très considérable des côtes de Terre-Neuve, et que des traités subséquens avaient encore développés. Cependant, on pouvait prévoir qu’un jour viendrait où il serait impossible de maintenir un état de choses infiniment plus onéreux à la colonie de Terre-Neuve qu’il ne nous était profitable, et contre lequel le temps avait déjà travaillé et continuait de travailler avec une force de transformation et de destruction plus puissante que tous les accords diplomatiques. Nos droits étaient incontestables et incontestés : ils n’avaient d’autre défaut que d’être contre nature. Ils consistaient essentiellement en ceci : que nous avions seuls, à l’exclusion des Terre-Neuviens eux-mêmes, le droit de pêcher dans les eaux du french shore, et d’utiliser la côte pour le séchage et la préparation du poisson. Nous ne pouvions, à la vérité, élever sur le rivage que des constructions légères qui ne survivaient pas à la saison ; mais les Terre-Neuviens, eux, ne pouvaient rien y construire du tout, et la moitié de leurs côtes était frappée par là d’une servitude qui devenait de jour en jour plus intolérable. Elle ne l’était pas au moment où a été signé le traité d’Utrecht, il y a près de deux cents ans. La population de la colonie était alors peu développée. Le french shore était un désert, sur lequel nos pêcheurs pouvaient établir leurs constructions volantes sans gêner personne, de même qu’ils ne trouvaient pas de concurrens dans les eaux territoriales. Mais, peu à peu, la situation a changé. La population de Terre-Neuve a décuplé, a