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la France elle-même une indemnité territoriale, puisqu’il s’agissait pour elle de renoncer à des servitudes territoriales. Mais c’est à quoi elle n’avait jamais voulu consentir. Il n’en a plus été de même cette fois. Le gouvernement anglais nous a accordé en Afrique trois petits territoires. Nous aurions préféré qu’il nous concédât la Gambie, qui forme une enclave dans nos colonies de l’Afrique occidentale : il ne nous en a cédé qu’une parcelle, mais cette parcelle nous permet d’accéder à la partie navigable du fleuve, ce qui est pour nous un avantage appréciable. Il nous a accordé en second lieu une rectification de frontière entre le Niger et le lac Tchad. La frontière avait été tracée autrefois dans des conditions si défectueuses que, faute de routes avec des puits, il y avait solution de continuité entre nos divers territoires : nous aurons désormais une route qui en reliera les parties les unes aux autres. Enfin, on nous cède les îles de Lôs en face de Konakry. Tout cela n’est, si l’on veut, que de la petite monnaie territoriale : ce sont néanmoins des territoires, c’est-à-dii-e ce qu’on nous avait refusé jusqu’à ce jour. Nos pêcheurs, bien entendu, seront indemnisés pécuniairement, dans des conditions qui offrent des garanties suffisantes. Cette question de Terre-Neuve, il ne faut pas hésiter à le dire, est résolue convenablement et honorablement : peut-être même, est-ce la partie de nos arrangemens qui offre le moins de prise à la critique. Qu’on nous passe le mot, c’est pour nous une épine hors du pied. Nous conservons la liberté de pêcher, comme les Terre-Neuviens eux-mêmes, dans les eaux de l’ancien french shore, et non seulement la morue, mais encore le homard. Nous ne perdons que le droit d’utiliser le rivage pour la première préparation du poisson. Enfin on ne fera plus de difficultés pour nous vendre la boette. Nous gardons, par conséquent, à Terre-Neuve une situation privilégiée : nous n’y perdons qu’un privilège exorbitant.

La partie de nos arrangemens qui se rapporte au Maroc et à l’Egypte, — entre lesquels on a établi, soit dit en passant, un parallélisme que nous aurions préféré moins régulier, — soulève des questions plus complexes. Depuis qu’il est ministre des Affaires étrangères, M. Delcassé n’a jamais perdu de vue la question marocaine, et il a mis une grande ténacité à la résoudre, tantôt par un moyen, tantôt par un autre. On sait qu’il s’est déjà entendu avec l’Italie pour qu’elle se désintéressât du Maroc : en retour, il lui a dit que la France n’avait aucune vue sur la Tripolitaine. Mais il restait encore d’autres puissances à désintéresser, l’Espagne par exemple et l’Angleterre, et on devait y trouver plus de difficultés. S’il y a eu des pourparlers avec