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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/249

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agens, et qu’on ne devait prendre en sérieuse considération que ce qu’il disait lui-même, se crut obligé d’accréditer la parole de son ministre qui, sans cela, n’eût rassuré personne. Il écrivit à son ami Arese, l’intermédiaire intime entre lui et le Roi : « Votre lettre m’a fait grand plaisir, car elle me prouve qu’il y a en Italie quelques personnes qui rendent justice à ce que j’ai fait pour votre pays. La conduite de beaucoup de vos compatriotes m’a été d’autant plus sensible qu’il faut que vous sachiez qu’avant la guerre, j’avais conclu avec l’Autriche un traité par lequel, en cas de victoire en Allemagne, elle me céderait la Vénétie. Maintenant il reste l’affaire de Rome, mais il faut qu’on sache que de ce côté je ne céderai rien, et que je suis bien décidé, tout en exécutant la Convention du 15 septembre, à soutenir le pouvoir temporel du Pape par tous les moyens possibles. »

Il envoya à Florence un homme de sa confiance, le général Fleury, afin de répéter aux ministres italiens ce que Moustier leur avait déjà dit et ce qu’il venait de confirmer à Arese, sur sa ferme volonté de ne pas permettre qu’on recommençât la comédie de Cavour dans les Marches et dans l’Ombrie.


II

Bismarck, dans la retraite où il était allé chercher un peu de repos, semblait avoir oublié sa promesse à Benedetti de l’appeler par le télégraphe pour conclure le traité d’alliance offensive et défensive, relatif à la conquête de la Belgique, et la villégiature d’été de Benedetti n’avait été troublée par aucun appel télégraphique. Bismarck n’était pas, du reste, en état de s’occuper sérieusement et avec suite d’une affaire aussi épineuse. Sa femme écrivait à Keudell : « Nous sommes séparés du monde entier au milieu de la verdure des haies et des pampres, parmi les roses d’automne, soignés on ne peut mieux : si nous avions la santé, ce serait une existence paradisiaque, mais le souci, la mortelle inquiétude causée par la vue de ce cher Bismarck étendu là, pâle, épuisé, morne, et qui, en dépit des soins, des prières, garde un aspect minable qu’il n’a plus eu depuis 1859. Ah ! c’est tellement triste qu’on en voudrait pleurer de longues heures : si on le pouvait, on se sentirait peut-être le cœur plus léger[1]. »

  1. De Putbus, 9 octobre 1866.