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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/259

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les rôles, Ce n’est pas à moi qu’il appartient d’entrer dans le domaine des hypothèses ; je risquerais de vous inspirer des idées ou des projets que vous n’avez pas conçus. Vous me dites que vos rapports avec la Prusse sont bons, et comme vous entendez respecter le territoire allemand, que vous n’avez rien à demander ni à l’Italie ni à la Suisse, vous m’autorisez à croire que c’est à l’Ibérie que vous songez[1]. » « Oh ! non, répondit l’ambassadeur de France à Pétersbourg-, le baron de Talleyrand, mais que diriez-vous de revendications du côté du Luxembourg, ou dans les environs ? — Ah ! si c’est cela que vous voulez, expliquez-vous ; voyons, dites-moi ce que vous désirez, et croyez-moi, je vous répondrai amicalement et, si je le puis, affirmativement ; sinon, je vous prierai, avec cordialité et en confidence, de laisser tomber l’entretien. Il peut y avoir en Europe des changemens de frontières que nous regarderions avec calme, mais il y en a un que nous ne laisserions pas s’accomplir : celui de l’annexion à l’Autriche de certaines provinces slaves de l’empire ottoman à titre de compensations territoriales. »

Le mot de Belgique ne fut donc pas prononcé ; le baron de Talleyrand pensa que ce n’était pas à lui de le proférer, et la Belgique resta la seule lacune de la promenade géographique qu’il venait de faire avec Gortchakof.

Cette comédie de Moustier est d’autant plus incompréhensible qu’il venait de se décider à préciser ses prétentions au Luxembourg. Il était donc tout naturel qu’il répondît à Gortchakof : « Nous ne pensons qu’au Luxembourg, aidez-nous. » Moustier espérait que le Russe prendrait lui-même l’initiative de lui indiquer un morceau plus gros. Il s’en abstint malicieusement, on s’en tint là, et ce fut à Berlin que la conversation fut reprise.


VI

La réserve de Benedetti ne lui servit pas plus que ses instances. Bismarck le laissa attendre dans son coin ; il poursuivit ses affaires dans le Hanovre et prépara son projet de Constitution sans se soucier de nous. Cependant l’époque de la session du Corps législatif s’approchait. Rouher, qui voulait avoir un butin quelconque à apporter à sa majorité, reprit les pourparlers avec Göltz.

  1. 27 février 1867.