Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le mariage de la princesse de Hohenzollern avec le comte de Flandre, au lieu de se célébrer, selon les usages ordinaires, dans le château du prince Antoine, l’avait été à Berlin, en grande pompe, parce que les Hohenzollern-Sigmaringen tenaient à prouver une fois de plus que le roi de Prusse était le chef de leur famille. Le roi des Belges assistait à la cérémonie (26 avril) ; mû par des sentimens de vraie sympathie à notre égard, il fit dire à Benedetti qu’il respirait à Berlin une atmosphère de paix et qu’il travaillait à raffermir les dispositions conciliantes de la Cour en donnant l’assurance que l’Empereur lui avait témoigné à Paris une égale modération.

Les craintes réciproques étaient donc chimériques, mais des craintes chimériques produisent, autant que si elles étaient réelles, l’excitation des esprits, et des armemens défensifs poussés à l’extrême deviennent aisément offensifs. L’intervention des puissances neutres pouvait seule dissiper un malentendu menaçant. Par malheur, celles qui eussent eu le plus d’autorité se refusaient à intervenir. Stanley, le ministre des Affaires étrangères d’Angleterre, frappé des embarras dans lesquels la manie de se mêler des affaires d’autrui avait jeté l’Empereur, ne voulait pas s’immiscer dans ce qui ne regardait pas directement l’Angleterre, et il ne sortait pas des recommandations vagues de modération. Gortchakof, sur lequel nous comptions après les concessions si amples accordées en Orient, se montrait encore moins empressé. Il nous raillait : « Il est regrettable qu’après Sadowa votre souverain ait refusé de se joindre à l’empereur Alexandre pour empêcher les annexions que vous déplorez tardivement, mais au lieu de vous y opposer, vous les avez consacrées par la circulaire La Valette, et c’est six mois après avoir donné quittance à M. de Bismarck que vous revenez sur votre approbation. Vous me permettrez de vous dire que la contradiction est flagrante et que le but que vous poursuivez ne mérite pas l’effort que vous y consacrez. Je me garderai de souffler le feu, mais j’éviterai de donner à Berlin des conseils qui seraient intempestifs et inefficaces. »

Seul, Beust guettait trop toutes les occasions de se remuer et de se donner de l’importance, pour ne pas en saisir une aussi solennelle. Il rompit la réserve générale et inventa ce qu’on a