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tant par l’État que par la Commune de Gênes et les provinces voisines. Un plan d’opération fut dès lors vite adopté ; Marseille eut l’honneur de servir de modèle aux progrès de sa rivale, et, dès 1888, tout était fini, Gênes était vraiment un grand port moderne. Le port intérieur, creusé à 9 mètres, bordé de quais et de punti, de saillans d’accostage, sur toute sa circonférence, convenablement aménagé et armé de voies ferrées, était doublé par un immense avant-port que protégeaient du côté de la mer les bourrelets rigides de deux énormes môles dont l’un, trois fois coudé, mesurait plus de quinze cents mètres de longueur. Les travaux coûtèrent 68 millions, dont vingt offerts par le duc de Galliera, une quinzaine à la charge de Gênes et des provinces limitrophes, et le surplus défrayé par l’Etat : ils coûtèrent aussi à la ville de Gênes une de ses gloires nationales, la Terrasse de marbre, qui tomba, victime du progrès, sous la pioche des démolisseurs.

Ce gros effort fait, les Génois se contentèrent pendant un temps de perfectionner le nouvel état de choses et de pousser à son maximum l’utilisation du port : de 1897 à 1903, on consacra 17 millions et demi de lires à perfectionner l’outillage, à construire des gares nouvelles de chemins de fer, d’immenses bâtisses pour magasins généraux, silos à blé, dépôts de pétrole, etc. Mais actuellement, il est devenu impossible de différer plus longtemps l’agrandissement du port, il faut pourvoir d’urgence non seulement aux besoins de l’avenir, mais aux nécessités actuelles d’un trafic qui s’est développé plus vite que les facilités qu’on lui offrait. Depuis quelques années déjà, la navigation est gênée par le manque de place ; les quais sont encombrés au point que, sur quatre bateaux, il y en a trois qui ne peuvent accoster qu’en pointe et doivent débarquer leur cargaison par chalands ; ceux-ci encombrent le port, servant à la fois d’allèges pour le débarquement et de magasins flottans pour les marchandises ; et c’est même une curieuse impression pour le touriste d’apercevoir de loin, au bout du port, quelque chose comme de grands terre-pleins couverts de tas de houille, puis, si l’on approche, de trouver que ce sont, dans l’intervalle des saillans, d’immenses bassins littéralement remplis de chiatte toutes noires, pleines de charbon et si serrées les unes contre les autres qu’on n’aurait pas la place de jeter une pierre à l’eau. L’agrandissement du port a donc été décidé. Un nouveau bassin de 39 hectares va être