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et qu’une foule de paysans et de gardes nationaux la ramenait vers Paris, par le chemin d’Epernay[1].

Ils poursuivirent leur route sur le pavé de Château-Thierry, laissant à droite celui de Montmirail : les courriers se succédaient à courtes distances, dans les villages, les gens attelaient des charrettes pour aller voir ; d’autres partaient à pied, par groupes ; la route ressemblait à une rue très passante. La joie et l’enthousiasme régnaient dans toute cette admirable et riche vallée de la Marne, où, durant l’été, quand midi chauffe, le jour splendide semble faire des semailles de soleil ; sur tous les sentiers blancs serpentant à travers la fournaise des plaines, se hâtaient, soulevant la poussière, des bandes de campagnards gagnant la grand’route.

A midi, les commissaires étaient à Château-Thierry : vers trois heures, ils parvenaient à Dormans, gros village dont les maisons, d’allure bourgeoise, s’alignent des deux côtés du pavé ; ils s’arrêtèrent à l’hôtel du Louvre, vaste et basse maison d’auberge, située près de la place circulaire où est la mairie et qui forme, du côté de Paris, l’entrée du bourg.

Tandis que Barnave, Pétion, Maubourg et Dumas, très entourés, se disposent à dîner, des courriers arrivant incessamment apportent des bruits alarmans : « L’armée de Bouillé est à la poursuite du Roi ; on a vu de la cavalerie sur les coteaux de la Marne ; la bande de patriotes volontaires qui ramène, à marche forcée, la berline royale, est excédée et mal en état de résister à l’attaque d’une troupe aguerrie ; le Roi va être enlevé d’un instant à l’autre, Varennes est détruit, et ses habitans massacrés ; tout le pays se lève pour repousser l’ennemi ; et c’est la petite ville d’Epernay, où le Roi fait halte en ce moment, qui semble devoir être le théâtre de la rencontre. »

  1. « La Ferté-sous-Jouarre, jeudi à neuf heures, Monsieur le président, nous apprenons que le Roi et les personnes qui l’accompagnent ont passé la nuit dernière à Châlons où ils ont été conduits et escortés par une armée de gardes nationales, accourues des départemens voisins au moment où la nouvelle de la présence du Roi à Varennes s’y est répandue : nous espérons le joindre ce soir. Nous avons donné sur notre passage les ordres les plus précis pour la sûreté et la tranquillité de son retour et nous avons été parfaitement secondés par les dispositions des citoyens. Partout l’impression du départ du Roi a été la même qu’à Paris. La contenance du peuple est tranquille et fière : nous n’avons cessé de recueillir les témoignages de sa confiance et de son respect pour l’Assemblée nationale. Nous avons l’honneur d’être, Monsieur le président, votre très humble et très obéissant serviteur (sic) Pétion, Barnave, La Tour-Maubourg. » Archives du greffe de la Cour d’Orléans. Un fac-similé de cette pièce a été publié par Bimbenet dans sa première édition.