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POÉSIE


FEMMES


Si celui qui t’aima, trahi par de plus belles,
Un jour doute de toi : c’est l’injuste retour !
S’il s’en prend à ton cœur de leurs vœux infidèles,
S’il s’en prend à tes yeux, tout éclairés d’amour.

Et s’il les fait pleurer, laisse couler tes larmes,
Même tout en souffrant ; car elles laveront
Au fond du souvenir les anciennes alarmes,
Et l’ombre qu’il voyait aux pâleurs de ton front.

Dans la chaîne des temps, depuis la chute d’Eve,
Toute rose en l’Eden que dorait le matin,
La femme a supporté, sans pitié ni sans trêve.
Tous les ressentimens de son premier destin.

Victime de la faute, elle en eut l’esclavage,
Garda l’enlacement du mensonge en ses bras ;
Lianes et buissons dans le jardin sauvage
Ont limité toujours sa raison et ses pas.

De la mère à la fille, et des unes aux autres,
Transmettons le fardeau, l’hommage et la douleur,
Et femmes, faisons-nous, pour les femmes, apôtres.
Et mesurons leur vie aux peines de leur cœur ;