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délégués de l’Assemblée se présentèrent à six heures et demie du soir aux Tuileries, non pas pour interroger le Roi, mais pour recevoir sa déclaration et celle de la Reine, touchant les faits qui avaient motivé leur départ et les circonstances de la fuite. Ils trouvèrent le Roi seul dans sa chambre ; il leur donna lecture d’un court factum, très insignifiant, par lequel il renouvelait sa protestation de n’avoir point voulu sortir du royaume. Quand ils en eurent reçu communication, et qu’ils en eurent devant lui signé la copie, ils témoignèrent le désir d’être introduits chez la Reine, dont ils devaient également recevoir la déclaration. Madame Elisabeth parut à ce moment.

— Elisabeth, dit le Roi, va donc voir si la Reine peut recevoir ces messieurs, et qu’elle ne les fasse pas attendre[1]...

La princesse obéit et rentra presque aussitôt, annonçant que la Reine « venait de se mettre au bain. » Louis XVI la pria de retourner « et de s’informer si ce serait long. » Les délégués, respectueusement, — c’était Duport, Tronchet et d’André, — prièrent que la Reine leur désignât elle-même l’heure de l’entrevue ; elle fit répondre qu’elle les recevrait le lendemain matin à onze heures.

Elle les attendait dans sa chambre, leur fit offrir des fauteuils, s’assit elle-même sur une chaise[2]. Cet ironique renversement de l’étiquette fut sévèrement interprété. La déclaration, très vide d’ailleurs, de la Reine, ne plut pas davantage : la lecture en fut accueillie à l’Assemblée par des murmures[3]. Le public ne se montra pas plus indulgent. « Peut-on mentir à ce point ! » disait-on[4].

Déjà on pardonnait au Roi, mais la rancune contre l’Autrichienne restait implacable.


G. LENÔTRE.

  1. Toulongeon. Histoire de la Révolution.
  2. Mémoires de La Fayette.
  3. Archives parlementaires, 27 juin 1791, p. 533.
  4. Nouvelle Revue, 15 mai 1903. Louis XVI à Varennes.