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est vraiment malade de la moelle épinière et de la vessie ; il n’en a pas pour plus de trois ou quatre ans. »

Rouher, ayant accepté en principe le programme libéral, demanda à l’Empereur quelles dispositions il entendait insérer dans les lois annoncées. L’Empereur lui répondit : « Causez-en avec M. Émile Ollivier : entre gens de métier, vous vous entendrez tout de suite. » Il était difficile de refuser une seconde fois à l’Empereur cette démarche auprès de moi. Il la fit donc, et, sur son invitation, je me rendis au ministère d’État. Il me reçut sans cordialité et me dit d’un ton embarrassé : « L’Empereur m’a chargé de causer avec vous de la loi sur la presse et le droit de réunion. — J’y suis prêt, répondis-je, mais, comme, avant tout, j’aime les situations nettes, permettez-moi de vous instruire de ce qui s’est passé. » Je lui racontai tout en n’omettant que ma correspondance avec l’Empereur. « Vous voyez que, si j’avais voulu être ministre, je le serais, et non seulement ministre de l’Instruction publique, mais ministre de la parole. Loin de vous miner, j’ai offert de vous soutenir ; il est inexact que mon désir soit de vous remplacer ; pas un de mes cheveux n’y pense : si on vous rapportait de moi un propos ou une démarche qui parût contredire ces déclarations, je vous prie de m’interpeller. Du reste, je vous prouverai mes dispositions, en vous envoyant mes notes importantes sur la presse. » Je l’engageai à exécuter avec largeur le programme nouveau. — Il répondit : « Je suis de votre avis, il ne faut pas ruser avec l’opinion, il faut toujours tenir plus que l’on ne promet. »

Quelques jours après je reçus une lettre toute dégelée : « Mon cher député, je vous remercie de la communication que vous m’avez faite, j’ai lu ces notes avec grand intérêt. Je n’ai eu qu’à me louer de la franchise qui a présidé à notre entretien, et je n’attacherai aucune importance à des insinuations qui chercheraient à dénaturer vos intentions. Au fond, croyez que je cherche à assurer au programme de l’Empereur l’exécution la plus sincère et la plus loyale : toute autre solution serait sans valeur. Recevez, mon cher monsieur Ollivier, l’assurance de mes sentimens affectueux. » (27 janvier.) Il se mit à l’œuvre sans retard en réglementant par le décret du 5 février les nouveaux rapports qui allaient s’établir entre les corps de l’État et l’Empereur.

Walewski, de son côté, innovait aussi ; il faisait rétablir la