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UN PEINTRE AU JAPON.

minutes de récréation leur sont accordées. Ils jouent de bon cœur, mais sans se disputer ; durant les années qu’il passa dans

plusieurs grandes écoles japonaises, Lafcadio Hearn n’a jamais surpris aucune querelle brutale, et cependant quelque huit cents jeunes gens ont passé par ses mains.

Les exercices au grand air sont cultivés au Japon presque autant qu’en pays anglo-saxons, bien qu’ils soient un peu différens. Hearn nous raconte que, chaque année au mois d’octobre, des luttes athlétiques ont lieu dans un vaste cirque improvisé que domine la tribune pavoisée du gouverneur. Les écoliers des villes et villages, à vingt-cinq milles à la ronde, arrivent en foule, et un bon tiers de la population de la ville assiste à leurs exploits. Ce sont des jeux d’adresse, des courses, de l’escrime exigeant beaucoup plus d’agilité que la nôtre. On s’évertue à ramper, à grimper, à sauter. Les petites filles ramassent en courant des balles de trois couleurs différentes parmi d’autres balles innombrables semées sur le gazon. Elles ont aussi la course du drapeau, un concours de volant, et tandis qu’elles y déploient leurs grâces mignardes, les garçons montrent leur vigueur en tirant, cent contre cent, les deux bouts d’un câble qui forme « le nœud de la guerre. » Mais le triomphe du jour est la cloche muette : six mille garçons et filles massés en rangs de cinq cents de profondeur, six mille paires de bras s’élevant et retombant en mesure, six mille paires de sandales avançant ou reculant au signal des maîtres de gymnastique, six mille voix chantant à la fois, le « un, deux, trois, » qui règle les gestes de la cloche muette. C’est aussi le jeu curieux de la prise du château, deux hautes tours en papier se dressant aux deux extrémités du terrain de manœuvre et qui, bombardées avec des balles parties de deux camps opposés, prennent feu toutes seules ; des vases découverts remplis d’un liquide inflammable sont disposés intérieurement à cet effet.

De huit heures du matin à cinq heures du soir, les jeux continuent, des milliers de voix entonnent pour la clôture l’hymne national terminé par trois acclamations en l’honneur de Leurs Majestés impériales. Les Japonais en ces circonstances ne hurlent pas, ils chantent, chaque cri prolongé produisant l’effet d’un immense chœur a a a a a a a a.

L’application des sciences est liée très utilement à l’habitude des longues marches. Même dans cette partie reculée du vieux