Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/674

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans cesse. Les résultats obtenus, quelque merveilleux qu’ils puissent être, ne sont aujourd’hui pour lui que des solutions provisoires, de simples étapes sur la route du progrès indéfini ; et la question d’une soudure directe entre les deux pays, de leur contact effectif, de la suppression absolue de tout transbordement, de l’établissement d’un trajet continu, sans interruption, sans changement de moyens de transport, sans le plus petit déplacement, sans la plus légère sujétion et sans la moindre fatigue, est devenue désormais le problème à l’étude pour les économistes et les ingénieurs. L’idée n’est d’ailleurs pas nouvelle. Elle est par elle-même très séduisante. Elle devait naturellement passionner les meilleurs esprits.

Nous avons déjà dit ici même que l’observateur le plus superficiel ne pouvait manquer d’être frappé à première vue de la similitude des deux lignes de falaises à pic qui se font face à travers le Pas de Calais à une quarantaine de kilomètres de distance. Les grandes assises du terrain crétacé qui les constituent présentent identiquement la même nature géologique, les mêmes couches, les mêmes fossiles, les mêmes bancs, les mêmes épaisseurs ; et on regarde aujourd’hui comme un fait établi scientifiquement que l’immense plateau de craie, qui forme le sous-sol du comté de Kent, de la Haute Normandie et du Boulonnais, s’est légèrement affaissé peu après qu’il a été déposé par les eaux de la mer tertiaire. L’ancien isthme qui reliait l’Europe primitive à l’archipel britannique a été ainsi recouvert par l’inondation marine, et une communication permanente s’est établie entre la Manche et la mer du Nord par un goulet très étroit. La grande presqu’île qui était jadis attachée au continent s’en est trouvée dès lors isolée ; mais, pour redevenir ce qu’elle était autrefois, il suffirait que le sol s’exhaussât naturellement ou qu’on le relevât artificiellement d’une cinquantaine de mètres à peine. C’est en effet à ce très modeste chiffre que se réduit la profondeur maximum du détroit.

La largeur du Pas de Calais étant d’une trentaine de kilomètres environ, le rapport de la profondeur à la largeur est donc inférieur à celui de 1 à 500. Ce rapport est si faible qu’il est presque impossible de le rendre saisissable à l’œil. Sur un dessin à l’échelle de 1 à 10 000, le profil en long du fond de la mer se confondrait à peu près avec la ligne d’eau de la surface ; et, si l’on dressait un plan en relief du détroit à une échelle d’un millième