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temps de brume, des sujétions et même des dangers pour franchir les trois passes, assez étroites, ménagées dans l’isthme artificiel et dans lesquelles les courans se seraient engagés avec une force contre laquelle il aurait été peut-être impossible de lutter.

Un grand bac ne pouvait donner lieu à ces critiques, et on eh a aussi étudié sérieusement le projet. Comme pour la construction de l’isthme, on aurait commencé par enraciner aux falaises deux jetées d’enrochemens sur la ligne du cap Blanc-Nez à South-Foreland ; mais ces jetées ne se seraient avancées en mer que de 8 kilomètres chacune, laissant par conséquent, entre leurs musoirs extrêmes, un intervalle de 18 kilomètres. La largeur du détroit aurait été ainsi réduite à la moitié environ de sa largeur actuelle, et cela n’eût modifié en rien les conditions normales de tous les navires allant de la Manche à la mer du Nord ou inversement. Deux darses spacieuses étaient d’ailleurs projetées à l’extrémité des deux musoirs, destinées à recevoir l’appareil nautique, l’immense navire à large plate-forme qui aurait effectué une traversée maritime assez réduite. C’était, à la vérité, dans l’établissement de cet appareil sans précédent que consistait toute la difficulté ; ce bac colossal, véritable île flottante, sur lequel on aurait dû embarquer et caler des trains complets de chemins de fer, aurait pu peut-être prendre par les gros temps des mouvemens de roulis un peu inquiétans et donner lieu à quelques mécomptes ; et on n’avait pas d’ailleurs la certitude absolue de pouvoir le diriger et le faire manœuvrer avec toute la précision et toute la sûreté qu’exige une exploitation régulière.


IV

La solution la plus rationnelle pour une traversée aérienne paraissait donc devoir être un véritable pont. Les premières reconnaissances géologiques de la nature des roches qui constituent le seuil du détroit, faites par MM. Combes et Elie de Beaumont, il y a un demi-siècle, avaient très bien indiqué ce que les sondages et les travaux modernes des ingénieurs Renaud, Duchanoy, de Lapparent et Pothier ont depuis confirmé, à savoir : que ces roches, formées de craie marneuse, présentent non seulement des conditions très favorables à la perforation du tunnel,