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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/681

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pouvait donner lieu à quelques inquiétudes. En mettant les choses au pire, on peut toujours redouter qu’un accident imprévu, une simple fissure, un brusque tassement ne viennent, en cours de construction ou d’exploitation, inonder plus ou moins complètement les travaux ou le tunnel, et sinon détruire tous les ouvrages exécutés et réduire l’entreprise à néant, du moins amener de graves perturbations et une interruption d’une durée peut-être assez longue dans la marche de l’exploitation. La question seule de l’aérage et de la ventilation d’un souterrain de 36 kilomètres de développement est encore un problème assez délicat dont la solution peut présenter quelques difficultés, mais ne saurait cependant arrêter, et pourrait vraisemblablement être trouvée d’une manière satisfaisante.

Toutes ces considérations ont détourné quelques ingénieurs de l’idée de la traversée souterraine ; et on a plusieurs fois soulevé la question de l’établissement d’un passage à découvert, qu’on pourrait rendre d’ailleurs intermittent à volonté, si des circonstances graves ou des susceptibilités plus ou moins raisonnables venaient à l’exiger : un pont, un bac, voire même la reconstruction presque totale de l’isthme qui avait jadis existé et dont la sonde permet de reconnaître partout le fond.

Cette dernière conception n’est pas la moins curieuse. On aurait enraciné à la rive anglaise et à la rive française deux jetées d’enrochemens qui auraient traversé le détroit en ménageant trois larges passes de navigation établies : l’une dans les eaux de Douvres, près de South-Foreland ; l’autre dans celles de Calais, près du cap Blanc-Nez ; la troisième à égale distance des deux, sur le banc de Varnes. Ces trois passes auraient été franchies soit par des ponts mobiles et flottans, soit par des passages par-dessous ; et on aurait ainsi accompli une sorte de restauration géographique du régime qui avait jadis existé. Mais, indépendamment de l’extrême dépense, qu’on évaluait déjà à près de 900 millions, le projet donnait lieu à deux objections nautiques assez sérieuses : la première, c’est que l’ouvrage, qui aurait en quelque sorte barré le détroit, pouvait modifier l’heure du plein des marées dans quelques ports de la Manche et de la mer du Nord, principalement à l’est du détroit, et changer, d’une manière qu’il était peut-être difficile de préciser, la direction des courans qui le traversent sans cesse ; la seconde, plus grave, était la résistance obstinée des marins, qui auraient éprouvé, en