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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/726

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étendre sur ce sujet, et nous en retrouverons l’occasion. Ce que nous ne croyons pas moins fermement, c’est que la séparation de l’Église et de l’État serait aujourd’hui non moins funeste à l’État qu’à l’Église. On l’a dit depuis quelques jours et on ne saurait trop le redire. Pour la satisfaction de quelques sectaires et de quelques théoriciens du radicalisme, l’État y perdrait ce qu’il a de moyens d’action sur l’Église, et, dans les conditions où se ferait la séparation, il introduirait un germe de division et d’opposition passionnée dans un pays qui déjà n’est que trop divisé. C’est alors que c’en serait fait de cette « unité morale » dont le ministère Combes a l’étrange prétention d’être le garant, et que, depuis deux ans, il travaille à réaliser par les procédés, hypocrites ou violens tour à tour, qu’en tout autre temps et tout autre pays on prendrait pour la rompre. La séparation de l’Église et de l’État risquerait de rouvrir, dans notre pays, l’ère, qu’on croyait fermée, nous ne dirons plus de la lutte et de la persécution, mais des guerres religieuses. La Chambre l’a-t-elle compris l’autre jour ? a-t-elle craint de prendre dans l’histoire une telle responsabilité ? s’est-elle aperçue qu’on la menait où elle ne voulait pas ? qu’il était temps de s’arrêter sur la pente ? et qu’il n’était que temps ? Nous serions heureux de le croire, et, en tout cas, jusqu’à démonstration du contraire, nous aimons à penser qu’il y a eu dans ses votes quelque chose de cela ! Les intérêts parlent quelquefois plus haut que les « principes, » et il faut s’en féliciter, quand ces intérêts eux-mêmes concordent avec d’autres principes, de prudence, de sagesse et de modération.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.