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marchande une arme hors d’usage, ils ont déclaré que, précisément, ce petit établissement avait à leurs yeux un prix inestimable, parce qu’il remontait à l’époque de la reine Elisabeth ! C’est, si l’on peut dire, le bijou de famille dont on ne veut pas se séparer. Tout au plus daignent-ils nous octroyer une escale de débarquement sur le haut fleuve : médiocre avantage, dont nous ne pouvons tirer parti, car nous n’irons pas souder notre voie ferrée à une artère fluviale qui ne nous appartient pas. Il semble, alors que, pour achever de payer Terre-Neuve, on ait cherché de droite et de gauche tous les « crocodiles empaillés, » rebut du magasin colonial de la Grande-Bretagne ; et d’abord, ces îles de Loos, dont elle ne pouvait rien faire en face de Konakry, puis, cette rectification du côté de Zinder qui ne lui a pas coûté bien cher, depuis qu’on sait que ni Zinder, ni le Sokoto lui-même ne valent grand’chose. N’était-il pas d’ailleurs singulier de vendre, à beaux deniers comptans le produit d’une simple erreur géographique, commise en 1890 par deux plénipotentiaires aussi ignorans l’un que l’autre du pays qu’ils se partageaient ?

Les diverses conventions accessoires dont on a cru devoir entourer et comme décorer l’arrangement principal n’ont pas beaucoup plus de valeur. Il faudrait une foi robuste dans la toute-puissance des formules pour attacher une importance quelconque à la convention d’arbitrage du 14 octobre 1903 : on en excepte toutes les questions qui touchent « aux intérêts vitaux, à l’indépendance ou à l’honneur des parties contractantes. » Or c’est là le fond même des conflits internationaux. Dans les temps les plus belliqueux, aucun monarque, aucun peuple n’a prétendu faire la guerre, si ce n’est pour ses intérêts vitaux, son indépendance ou son honneur. Dire que l’arbitrage est impuissant à régler ces questions, c’est dire qu’elles doivent être tranchées par la diplomatie ou par les armes : en sorte que ces traités d’arbitrage, qu’on s’est empressé d’étendre à toutes les nations, constituent la manifestation la plus catégorique qu’aucun gouvernement ait jamais faite en faveur de la guerre.

La déclaration relative au Siam se borne à confirmer le traité de Ï896. Il est tout au plus piquant d’entendre le gouvernement britannique reconnaître qu’à cette époque, il n’était pas sincère, puisqu’il croit devoir nous donner une seconde fois sa parole de nous laisser toute liberté à l’Est du Ménam. Ou cette déclaration ne signifie rien, ou elle a pour objet de notifier aux Siamois