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et impressionnables, elles ne risquent, dans un moment donné, de suivre l’entraînement des classes dirigeantes, et de leur prêter, pour une œuvre révolutionnaire, le concours qu’elles ne paraissent nullement disposées à lui donner aujourd’hui ? Ces populations qui constituent le nombre et la force ne se demandent-elles pas, elles-mêmes, quelle est la volonté de l’Empereur ? quelle est son action ? quel est le but poursuivi par son gouvernement ? Est-ce la guerre avec les entraînemens du patriotisme, avec les chances heureuses que promettrait l’héroïsme de nos soldats ? Est-ce la paix avec sa sécurité, la réduction des dépenses militaires, celle des contingens annuels et l’abandon d’un projet de réorganisation de l’armée resté peu populaire ? Est-ce une nouvelle évolution libérale telle que l’annonçait la lettre du 19 janvier ? Est-ce, au contraire, une plus grande force rendue, dans l’intérêt du pays, à l’action gouvernementale ? Voilà les questions que l’on se pose partout avec anxiété. Le choix à faire est grave et difficile ; tout le monde sent aussi que, dans l’état d’incertitude et d’engourdissement où se trouve le pays, une affirmation nette et résolue de la politique et de l’action impériales s’impose avec une urgence chaque jour plus grande à la prévoyance et à la sagesse du gouvernement. Plus qu’aucun autre pays, la France, où se conservent tant de germes révolutionnaires, a besoin d’être gouvernée et conduite. À cette condition seulement les masses reprendront dans l’avenir leur confiance tout entière. » (30 septembre 1867.)


XII

Piétri avait dit juste lorsqu’il attribuait tout le malaise de l’opinion à la question qu’on se posait en Europe et en France : « L’Empereur a-t-il encore une volonté et quelle est-elle ? » Il eût suffi de la parole ferme d’un homme d’Etat ayant la résolution dans le caractère et la netteté dans l’esprit pour dissiper tous les points noirs visibles à l’horizon. Malheureusement l’Empereur n’était plus cet homme depuis que la maladie l’avait terrassé ; le Vice-empereur le fut encore moins. Nous possédons les rapports confidentiels qu’il adressait à son maître à l’époque même du cri d’alarme poussé par le préfet de police : ils le définissent aussi bien que le rapport de Piétri définissait l’opinion publique. Le Vice-empereur, lui aussi, dégage d’un regard pénétrant la