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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/880

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REVUE DES DEUX MONDES.

carrure, l’éclat, le mouvement et la plénitude. Deux éléments y font défaut. L’un est la mélodie, ces chants ne consistant guère que dans une polyphonie, d’ailleurs serrée et riche, de cris ou d’interjections. L’autre, la musique étant ici purement vocale, est la variété des timbres, que l’orchestre seul peut donner, et dont la musique descriptive ne saurait plus guère se passer aujourd’hui. Restent l’harmonie et le rythme. Ils suffisent à la sèche et forte beauté de cet art. Dans la Chasse, les voix, se répondant comme des trompes, se renvoient les plus simples accords, et de cette simplicité naît une véritable grandeur. La musique de la Guerre comme celle de la Chasse, je ne dirai pas « repose, » car tout y est action et tumulte, mais tombe et retombe incessamment sur la tonique et la dominante tour à tour. Elle se meut et parfois s’agite entre l’une et l’autre, et ces bornes étroites contiennent, mais n’étouffent pas son ardeur. De même qu’il y a des sonneries de trompes ou de clairons, la Chasse, la Guerre, sont des sonneries de voix. Et ces voix, avec un éclat monotone et superbe, ne sonnent le plus souvent que les trois notes de l’accord parfait. Mais puisque de celles-là seules un Beethoven devait faire un jour ses thèmes les plus fiers : le motif du grand air de Léonore ou celui du premier morceau de l’Héroïque, c’est donc qu’il y a quelque chose en effet d’héroïque et qui sied à la chasse, à la guerre surtout, dans ces trois notes élémentaires, dans leur succession comme dans leur accord.

N’appelons pas, ainsi qu’on l’a fait, de telles chansons des poèmes sonores, car ce dont elles sont le plus dépourvues, c’est le sentiment, l’émotion, autrement dit la poésie. À peine le début des Oiseaux : Réveillez-vous, cœurs endormis, trahit-il quelque lyrisme. Le reste, — et de la Chasse, et de la Guerre, on en dirait autant, — le reste, contrairement à la fameuse formule de Beethoven, est beaucoup moins expression que peinture ; une peinture qui parfois arrive à n’être plus qu’une très exacte et très puissante, mais très matérielle onomatopée. Le chant du rossignol, fort mal imité d’ailleurs par des notes piquées et sèches, n’offre rien de comparable à ce que sera plus tard, dans l’Allegro e Pensieroso de Haendel, et dans un air aussi de rossignol, certain épisode mineur, délicieusement teinté de mélancolie. De, même il faudra que vienne l’art moderne, et par exemple le compositeur de Haensel et Gretel, pour envelopper le chant du coucou de tout le mystère de la nuit et des bois.