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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/881

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LES ÉPOQUES DE LA MUSIQUE.

Le XVIe siècle n’a pourtant pas ignoré le paysage musical et Jannequin lui-même a laissé dans ce genre des tableaux achevés. C’en est un que l’Alouette, le plus gai carillon que puissent sonner quatre voix, par un beau matin de printemps et d’amour. Par un matin de France aussi, je dirais volontiers de l’Ile-de-France, tellement, en cette claire aubade, en ces notes spirituelles et vives qui jaillissent et rejaillissent de toutes parts, i on sent battre le cœur même de notre pays et de notre race. Oui, cela est purement français, aussi éloigné de la plastique italienne que du rêve allemand. Et cela, pour le coup, est poétique ; mais de cette poésie que Henri Heine trouvait un jour dans le genre, français aussi, de l’opéra-comique ; « une poésie sans morbidezza, sans le frisson de l’infini, une poésie jouissant d’une bonne santé. »

Elle fait le charme de deux autres pastorales de Jannequin, également amoureuses et printanières. « Ce moy de may » dit la première,


Ce moy de may, ma verte coste,
Ce moy de may je vestirai,
De bon matin me lèverai,
Ce joli, joli moy de may.


Sur un rythme de menuet rapide et déjà presque de scherzo, dans un ton clair, elle court, la petite chanson. Peu de notes la composent, et qui se touchent, qui se tiennent entre elles, traçant une ligne à peine infléchie, mais légère autant que pure. Et rien n’est doux à l’oreille comme le perpétuel retour des mêmes paroles, de ce « joli moy de may » et de cette « verte coste, » dont on ne sait plus à la fin si c’est la robe de la jeune fille ou celle même du printemps.

Plus exquise encore est la seconde chanson :


Au vert boys je m’en irai ;
Seule au vert boys je m’en irai jouer.
A mon ami j’ai donné là une heure,
Pour nous voir
Au vert boys.
En parle qui voudra parler.


La grâce, l’esprit, la tendresse même sont ici partout ; dans. le rythme et le mouvement, dans la couleur un peu étrange du