Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/925

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
POÉSIE

I


Je voudrais faire avec une pâte de fleurs
Des vers de langoureuse et glissante couleur,
Où la rose d’été, l’œillet et le troène
Répandraient leur arôme et leur douce migraine.

Des vers, qui seraient tels qu’un parterre en juin
Où l’on marche en posant sur son cœur une main,
Où, las de la lumière et des herbes trop belles,
On soupire en rêvant sous de larges ombrelles.

Des vers, qui soient pareils à nos premiers jardins,
Quand, remuant le sable et les cailloux, soudain
Le paon traînait le beau feuillage de sa queue
Près de la mauve molle et des bourraches bleues.

Des vers, toujours gluans de sucre et de liqueurs,
Comme le doux gosier des plus suaves fleurs,
Comme la patte aiguë et mince de l’abeille
Enduite de miel fin et de poudre vermeille,

Et comme le fruit chaud du tendre framboisier,
Qu’étant petite enfant, mon âme, vous baisiez,
Car vous aimiez déjà les choses de la vie,
Le matin odorant, la pelouse ravie,