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que je me divertis à poursuivre en ce moment : une collection des diverses particularités sociales propres aux Celtes d’Irlande!


Et la visite projetée a lieu, avec la « conférence sur la causation; » et M. Mallock en a fait l’une des scènes les plus amusantes de son livre. Car, le matin même du jour où Cosmo Brock est venu déjeuner chez Rupert Glanville, les amis de celui-ci ont assisté à un « sermon laïque » d’un certain Brompton, qui a fondé une religion nouvelle, définitivement délivrée de toute « superstition théiste, » et toute fondée sur le culte de l’Humanité. Ce Brompton, comme l’on peut penser, fait un cas extrême du grand philosophe évolutionniste, un des « Pères » de son église nouvelle. Et il applaudit avec enthousiasme à tout ce que dit Cosmo Brock de la possibilité, pour la science, d’achever la synthèse universelle, en anéantissant la monstrueuse folie des vieilles illusions métaphysiques : mais quand ensuite l’évolutionniste annonce qu’un jour la morale elle-même finira par devenir superflue, quand il déclare, — très brièvement, ayant la gorge un peu fatiguée, — que le sentiment religieux, « à condition que l’on n’y attache aucune importance morale ni théologique, peut faire du bien à certaines natures, et ne peut guère faire de mal à personne, » le fondateur de « l’Église Éthique » ne se connaît plus, dans son indignation. — « Seriez-vous souffrant ? lui demande une dame. — Souffrant ? s’écrie M. Brompton. Non : je suis simplement écœuré de tout ce que vient de nous dire ce sophiste, ... cet ignorant..., cette outre gonflée de vent. Attendez seulement jusqu’à ce soir, et vous verrez comme j’aurai vite fait de le faire sauter avec son propre pétard ! »


Bien amusant aussi, et probablement bien vrai, ce Brompton, fondateur de l’ « Église Éthique. » C’est un ancien prêtre catholique chez qui, comme chez nombre de ses pareils, la haine féroce de son culte de jadis s’allie à un besoin irrésistible de religiosité et de prédication. Sans cesse il s’élève, avec une violence d’apôtre, contre la dégradante. barbarie des « préjugés chrétiens. » Les églises, à l’en croire, « ont toujours été pour la science ce que Néron a été pour elles. » Il affirme que « toute religion surnaturaliste comporte, à sa base, un certain élément d’imposture voulue. » Mais il dit tout cela avec un appareil constant d’images et d’allusions bibliques; et toute occasion lui est bonne pour prêcher sa foi nouvelle, un humanitarisme mystique dont il emprunte les dogmes à Auguste Comte et à M. Frédéric Harrison. Lui objecte-t-on que, au point de vue de la science, l’humanité