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dernière analyse, quels pronostics peuvent être faits sur les événemens économiques et financiers qui seront la suite et la conséquence de la guerre russo-japonaise.


I. — BUDGET ET DETTE DE LA RUSSIE

Le budget russe promulgué le 1er janvier dernier, avec la régularité accoutumée de cette publication, se chiffrait, tant aux recettes qu’aux dépenses, par la somme considérable de 2 178 millions de roubles, soit 5 810 millions de francs, le rouble équivalant à 2 fr. 666 de notre monnaie. Les recettes ordinaires étaient prévues pour 1 980 millions de roubles ; elles suffisent, et au-delà, à couvrir, les dépenses de même nature, évaluées à 1 966 millions. Les dépenses extraordinaires, s’élevant à 212 millions, se composent presque exclusivement de sommes consacrées aux chemins de fer et s’appliquent d’une part à la construction de voies nouvelles et à l’achèvement du Transsibérien par l’Etat, d’autre part aux avances consenties par le gouvernement à des compagnies particulières en vue de l’établissement de nouvelles lignes. Elles sont couvertes jusqu’à concurrence de 14 millions par l’excédent du budget ordinaire, de 2 millions par les dépôts perpétuels à la Banque de Russie, et pour le surplus, soit 196 millions, par un prélèvement sur les disponibilités du Trésor. Ces disponibilités, dont le maintien à un niveau plus ou moins élevé forme une des bases de la politique financière russe, sont entretenues par les excédens des budgets ordinaires et par des emprunts contractés à l’étranger à des intervalles plus ou moins réguliers.

L’énormité de ce budget ne doit pas nous effrayer outre mesure. Tout d’abord, 5 810 millions de francs pour 130 millions d’habitans ne représentent que 44 francs par tête, alors que le budget français constitue une charge plus que double, 3 600 millions de francs pour 38 millions d’habitans ; il est vrai que la différence de la richesse des deux nations fait plus que compenser cet écart ; mais ce qu’il faut remarquer avant tout, c’est que le budget russe est alimenté pour moitié par deux exploitations d’État, celle du monopole de l’alcool et celle des chemins de fer, qui donnent près d’un milliard de roubles de recettes brutes. Celles-ci ne peuvent être considérées, dans leur intégralité, comme des impôts ; nul n’est contraint de boire des spiritueux,