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suivît ce succès si brillant en apparence, et que le nouveau fonds tombât au-dessous du prix d’émission : malaisées seraient alors les opérations de crédit, que la continuation de la guerre rendrait inévitables. En historien impartial, nous constaterons cependant qu’une prime de 3 points continue à être cotée a Londres sur cet emprunt qui ne semble pas du reste avoir été vu d’un œil favorable par les Japonais : mais le ministre des Finances a jugé qu’il lui fallait à tout prix reconstituer sa réserve de métal jaune. Toutes les rentes du Japon se sont depuis lors relevées sous l’influence des succès militaires remportés par lui en Corée et en Mandchourie.


IV. — L’AVENIR A LA SUITE DE LA GUERRE

Il n’est pas de métier plus difficile que celui de prophète, surtout en matière financière. Comment vont se comporter les ressources des deux belligérans ? comment leur crédit résistera-t-il à l’épreuve sévère qu’il traverse ? Pour répondre à cette question, il faudrait non seulement savoir combien de temps durera la guerre et comment elle se terminera, mais il conviendrait d’entrer dans l’analyse approfondie de la situation économique de la Russie et du Japon, situation dont les chiffres budgétaires sont loin d’être l’expression unique. Il faudrait, en premier lieu, analyser les élémens de la production agricole et industrielle des deux pays. On sait le rôle que joue en Russie la culture des céréales, dont elle exporte chaque année des quantités notables ; c’est en partie grâce à cette exportation régulière et aux sommes qu’elle lui fournit qu’elle acquitte les charges de sa dette extérieure : l’excédent des exportations sur les importations a été, en 1903, de 362 millions de roubles, c’est-à-dire 970 millions de francs. Quant à su production industrielle, elle s’est développée avec une très grande rapidité. Cette rapidité a même provoqué une crise dont les marches français et belges n’ont pas perdu le souvenir, mais qui n’en laisse pas moins subsister de nombreux et puissans établissemens métallurgiques, des houillères mises en exploitation, en un mot un outillage remarquable, dont l’efficacité se fera sentir un jour ou l’autre. Déjà avant la guerre, depuis bientôt deux ans, des symptômes de reprise se faisaient sentir : grâce en partie à des ententes entre producteurs, grâce surtout à un développement des demandes,