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jours auparavant. Quand les prospectus parurent, la rage de ceux qui se précipitèrent pour se les arracher était curieuse à voir… Les souscriptions accompagnées de chèques commencèrent à affluer. On ne savait comment les gens trouvaient assez de temps pour remplir les formules de souscription et signer les chèques. Les caissiers des banques ne donnaient pas de reçus des versemens. De longues files de personnes attendaient impatiemment les prospectus. Telle était la hâte de la foule, que ceux qui les avaient reçus d’abord se les virent arrachés des mains par d’autres qui étaient derrière eux. Il sembla un moment que les bureaux allaient être le théâtre de scènes de pugilat : pour obtenir un certain nombre de prospectus, la même personne devait revenir au guichet à plusieurs reprises. Le jeudi matin 12 mai, la province fut inondée de prospectus envoyés pendant la nuit ; toute la journée, les fils télégraphiques furent occupés à transmettre aux courtiers des ordres de souscription de leurs cliens, qui ajoutaient en général à la fin de leurs dépêches les simples mots : « Chèque suit. »… La Bourse commença à négocier des « résultats de souscription »… Que sera-t-il alloué aux grosses souscriptions ? Toutes sortes de rumeurs circulaient à cet égard : la Cité se rappelait les 2 pour 100 qui avaient été attribués lors de l’émission de l’emprunt transvaalien 3 pour 100 garanti par la mère patrie. D’autre part, beaucoup de souscripteurs avaient demandé de faibles montans dans l’espoir d’être favorisés. Mais les reventes de ces coureurs de prime pourraient amener la baisse des fonds. De certains côtés, on exprime le regret que le gouvernement japonais, au lieu d’en émettre la moitié à New-York, où elle n’a été que cinq fois souscrite, n’ait pas offert la totalité de l’emprunt de 250 millions de francs à la place de Londres, qui aura peine à faire une seconde fois un accueil aussi enthousiaste à une émission japonaise. La possibilité d’une seconde visite au marché de Londres à brève échéance rend la répartition délicate. En tout cas, cette émission a été une magnifique réclame pour le Stock Exchange. »

Nous arrêtons là la citation de l’Economist, dont les derniers mots résument l’histoire de ce premier appel de fonds fait à l’étranger par le Japon depuis l’entrée en campagne. C’est la Bourse plutôt que l’épargne qui a souscrit l’emprunt, dont les gros souscripteurs ont reçu à peine le soixantième de ce qu’ils avaient demandé. Il ne faudrait pas que le moindre mécompte