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engendrer des abus ? C’est ce qui est arrivé. L’argent qui est allé et qui continue d’aller au comité Mascuraud est-il purement politique ? Les versemens qui en sont faits sont-ils tout à fait désintéressés, ou n’ont-ils d’autre objet que d’aider au triomphe d’une grande cause ? Il faut le demander à M. Chabert. Ce sont là des mœurs politiques nouvelles. On peut sans doute trouver dans le passé des symptômes avant-coureurs du mal ; mais le mal a pris de nos jours des développemens prodigieux. L’incident Chabert-Mascuraud, détaché de l’affaire des Chartreux, est une page d’histoire contemporaine tout à fait édifiante, et qui le deviendra encore davantage si on fait un jour la lumière sur un autre scandale qui s’est produit au ministère de l’Intérieur, et dont on a parlé aussi. Il s’agit d’un haut fonctionnaire qui est mort plus riche qu’on ne le croyait. Cela ne se passait pas du temps de M. Combes : aussi n’est-ce pas le procès du seul M. Combes que nous faisons, c’est celui de tout un système de gouvernement dont on aperçoit aujourd’hui quelques effets.

L’affaire des Chartreux, prise en elle-même, n’a pour nous qu’un intérêt secondaire. D’abord on n’en saura jamais le fin mot. La Chambre a obéi à un bon sentiment en nommant une commission d’enquête ; mais elle s’est trompée, si elle a cru aboutir sûrement par-là à la découverte de la vérité. La vérité est très difficile à découvrir, soit par une instruction judiciaire, soif par une enquête parlementaire. Nous avons vu comment la première a été subitement close à la suite du refus de lui livrer un nom. Intérêt supérieur, raison d’État, « fait du prince, » cela suffit pour arrêter le cours de la justice, et on l’a bien vu, M. le procureur général l’a d’ailleurs reconnu devant la commission — Quoi ! a demandé un membre, un magistrat doit-il tenir compte d’intérêts politiques ? — Sous peine d’être révoqué, évidemment ! — a répondu M. le procureur général. Aucune naïveté ne saurait survivre à cet aveu dénué d’artifice.

La commission n’a pas à craindre d’être révoquée ; mais, comme elle n’a pas de pouvoirs judiciaires, ses moyens d’investigation sont limités. Certains témoins se sont dérobés devant elle. Nous ne parlons pas des Chartreux, qui n’avaient vraisemblablement rien à dire de plus que ce qu’ils ont écrit, mais de M. Besson, le journaliste dauphinois, qui a fait tant de tapage autour des secrets dont il se disait dépositaire, et qui a refusé de les livrer à la commission d’enquête, sous prétexte de les réserver à la cour d’assises, où il n’ira jamais. Son attitude jette sur lui un jour fâcheux. M. Besson a énoncé des faits précis, qui, s’ils ne sont pas exacts, sont d’odieuses calomnies ;