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dessinés sur la carte et prescrits à la France, comme des conditions de la conquête, de la réunion et de la conservation des « limites naturelles. » Mazarin et Louis XIV pour se pousser au Rhin, par l’Alsace, et s’y maintenir, avaient consenti les sécularisations dans l’Allemagne protestante et organisé la Ligue du Rhin sur la rive droite, pratiqué les Chambres de réunion sur la rive gauche. Pour s’emparer de la Flandre, Louis XIV dut envahir le Palatinat et la Hollande. De même, en plus grand, — combinaisons d’exécution plus vastes en vue d’une frontière plus élargie, — la République et l’Empire, pour assurer à la France la domination du Rhin de Bâle à la Hollande, consommèrent dans toute l’Allemagne l’œuvre des sécularisations, créèrent la Confédération du Rhin, subjuguèrent la Hollande. Napoléon savait bien ce qu’il disait quand il déclarait à Merveldt qu’il ne saurait renoncer au protectorat de l’Allemagne. Ce protectorat supprimé, l’œuvre de concentration de 1803 se retournait contre la France et la possession de la rive gauche redevenait précaire, exposée, comme en 1799, au sort de la première bataille. Pour soumettre l’Autriche à la paix des « limites, » les Français durent l’expulser de l’Italie, en posséder les passages, mettre la Suisse en tutelle. Colbert et Louis XIV avaient rêvé la domination de la Méditerranée ; les républicains du Comité, les Directeurs, Napoléon projetèrent d’en faire un « lac français, » et comme l’Angleterre n’y consentait point, n’admettait pas plus la France maîtresse de Gênes, souveraine de Naples, tutrice de l’Adriatique, que régente d’Anvers, Sieyès imagina, Napoléon accomplit le blocus continental.

Voilà l’œuvre de vingt et un ans de guerres que les coalisés ont subie et qu’ils prétendent anéantir. Donc il leur faut prendre le Grand Empire à revers et l’histoire à rebours, déloger successivement la France de tous ses retranchemens, le duché de Varsovie, les villes hanséatiques, la Confédération du Rhin, la Hollande, la Belgique, l’Italie ; franchir les fleuves, l’Elbe, le Rhin, forcer les digues et, de barrière en barrière, la refouler par tous les chemins par où elle a passé. Il faut renouveler et regagner les batailles perdues, dérouler et déchirer les traités, anéantir Tilsit : c’est fait, à Kalisch et Reichenbach, de février à juin 1813 ; anéantir la paix de Vienne : c’est ce que Melternich a entrepris à Prague et à Tœplilz, ce que les armées ont exécuté à Leipzig. Restent Presbourg, Amiens et Lunéville.