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pas la paix. » Merveldt assura le contraire, et ils s’en expliquèrent : — « Que l’Angleterre me rende mes îles, et je lui rendrai le Hanovre. Je rétablirai les départemens réunis et les villes hanséatiques. — Je crois, Sire, qu’ils tiendront à l’indépendance de la Hollande. — Eh bien ! il faudrait s’entendre sur cette indépendance. » Merveldt parla aussi de l’indépendance de l’Italie, d’un retour aux stipulations que Napoléon avait établies lui-même en se plaçant à la tête de l’Italie : c’était la séparation des deux couronnes, l’attribution de l’Italie à un héritier légitime ou adoptif de l’Empereur. Napoléon ne considéra pas cette condition comme inadmissible. « Quant au duché de Varsovie, Votre Majesté y a renoncé, je suppose ? — Oui, je l’ai offert, et on n’a pas trouvé bon de l’accepter. — L’Espagne pourrait être encore une pomme de discorde ? — J’ai été obligé d’abandonner l’Espagne ; cette question est donc décidée par là. » « Je ferai, dit-il encore, des sacrifices, de grands sacrifices même ; mais il y a des choses auxquelles mon honneur tient et desquelles, dans ma situation, je ne puis me départir, par exemple le protectorat de l’Allemagne. » Il parla d’armistice : il se placerait derrière la Saale. Merveldt ne lui cacha pas que les alliés espéraient « le voir passer le Rhin, cet automne encore. » — « Pour cela, il faut que je perde une bataille ; cela peut arriver, mais cela n’est pas[1]. »

Cela fut, le lendemain, 18 octobre. La Confédération du Rhin n’existait plus. Les confédérés avaient passé à l’ennemi sur le champ de bataille et, maintenant, les débris de la Grande Armée s’écroulent sur cette Allemagne qui se dérobe sous eux. Les trois souverains alliés, leurs états-majors, leur chancellerie de campagne, leurs ministres et l’ambassadeur d’Angleterre en Autriche, lord Aberdeen, s’acheminèrent vers le Rhin sur les pas de l’armée française en déroute. Napoléon avait accepté, en fait, les conditions de Metternich, même avec une largo étendue ; il s’agissait d’y donner l’étendue « la plus large possible, » ainsi qu’on l’avait stipulé à Tœplitz.

En réalité, ce que Napoléon avait défendu sur l’Elbe, ce qu’il avait perdu, irrévocablement, à Leipzig, c’étaient ces têtes de ponts, ces bastions, ces avant-postes, ces tampons que le Comité de salut public de l’an III et le Directoire avaient successivement

  1. A la princesse de Lieven, 18 octobre 1819.