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qui constitue le meilleur élément de force pour elle : la cohésion sous les armes par le maintien et la persistance de tous les liens sociaux qui unissent les uns aux autres des hommes qui ont vécu et vivront toujours côte à côte.

Je ne m’arrêterai pas longtemps à la seconde mesure complémentaire que j’ai indiquée plus haut : la suppression de l’armée territoriale. Lorsqu’il y avait ou devait y avoir une armée active de métier constituée en vue de l’offensive et de la guerre extérieure, on comprend qu’on ait institué, pour la soutenir, une sorte de milice spéciale dont la mission devait être plutôt de protéger les communications et de garder les places de guerre. Aujourd’hui qu’il ne s’agit plus guère que d’organiser la défense du pays à l’aide d’une vaste milice nationale, on ne s’explique plus pourquoi il y en aurait une seconde distincte de la première, et pour quelle raison on continue d’imposer une pareille complication à l’organisation militaire et une aussi lourde charge aux finances du pays.

Lorsque la patrie est menacée, tout homme valide doit concourir de toutes ses forces à sa défense. Il est, pour cela, à la disposition de l’autorité militaire. Il ne doit y avoir, en dehors de l’armée active, que des réservistes. C’est à l’autorité militaire à calculer le nombre des classes qui lui sont immédiatement nécessaires et à les convoquer tout d’abord, puis ensuite, au fur et à mesure des besoins, à appeler successivement les classes restantes qui sont à sa disposition. Il ne faudrait même pas qu’on fût contraint d’appeler les mêmes classes simultanément sur tout le territoire, car si une guerre avec l’Allemagne, par exemple, nécessitait sur la frontière l’appel immédiat sous les armes de tous les hommes jusqu’à quarante ans, il est de toute évidence que leur convocation à Bayonne, à Dunkerque, à Perpignan, est inutile au premier jour et ne peut être qu’une cause d’embarras, de désordre et de gaspillage.

Avec l’adoption du principe du dédoublement, le recrutement régional absolu, la suppression de l’armée territoriale, l’appel des réservistes par classe et par région de corps d’armée, on remédiera certainement dans une large mesure aux inconvéniens inhérens à la diminution de nos effectifs en temps de paix : la cohésion de l’ensemble resterait assurée et l’instruction militaire complète de tous serait assurée dans des conditions suffisamment sérieuses.