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et de jugement, dévouement, honneur, abnégation, services rendus, tout cela ne sert de rien et ne fait rien à l’affaire. Rien ne prévaut contre une faute d’orthographe ou contre l’oubli d’une date.

En fait, cette école n’est accessible qu’aux jeunes gens qui ont reçu une instruction élémentaire déjà développée avant leur arrivée au corps ; elle les met à même de profiter des cours qui leur sont faits au corps par des officiers transformés en professeurs à cette occasion. Que ces jeunes gens aient ou n’aient pas les qualités militaires requises, — peu importe. Signalés[1] dès leur entrée au service comme capables de passer l’examen, ils franchissent rapidement les premiers grades, et jouissent ensuite de toutes sortes de faveurs et de dispenses pour préparer un succès dont l’honneur rejaillira sur le corps dont ils font partie. Il est vrai que, le plus souvent, dans les compagnies, on préfère n’avoir pas affaire aux effets de leur jeunesse généralement aussi présomptueuse qu’inexpérimentée. Mais leur seule présence jette sur leurs collègues qui ne sont pas jugés capables de subir l’examen et demeurent condamnés à n’être jamais officiers un discrédit et une déconsidération que souligne trop souvent leur attitude arrogante ou narquoise.

L’avancement par le rang devrait avoir lieu exclusivement par le rang, et l’officier qui en provient doit avoir, avant toutes les autres, les qualités et les vertus du soldat : dévouement au devoir, connaissance approfondie du métier, abnégation personnelle, impeccable honorabilité dans l’existence. Cet officier n’est pas destiné à commander des armées, voire des régimens ; il n’est pas non plus destiné à figurer dans les réunions mondaines ou à fréquenter les salons. Laissons-le à sa place, qui est à la tête de sa section ou de sa compagnie, et ne lui demandons, comme bagage intellectuel, que les données strictement nécessaires pour tenir honorablement cette place. Il sera alors pour tous ceux qui l’entourent un exemple vivant de ce que peut faire du plus humble soldat le vrai mérite et l’effort personnel ; sa

  1. Il se passe pour la désignation des candidats officiers ce qui se passe pour le recrutement des gradés inférieurs. C’est l’instruction intellectuelle antérieure à l’entrée au service militaire qui est seule prise en considération par le colonel, naturellement désireux d’avoir plus de jeunes gens « reçus » que son voisin. Les aptitudes purement militaires au commandement ne jouent dans cette désignation qu’un rôle absolument secondaire, sinon nul.