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vue seule sera un encouragement direct, — et le meilleur de tous, — à ceux qui seront tentés l’imiter[1].


IV

Telles sont les plus sérieuses réflexions que nous suggèrent la très prochaine adoption du service de deux ans, et la très urgente nécessité de parer aux conséquences immédiates de cette innovation. Il y aurait sans doute beaucoup d’autres mesures de détail excellentes à prendre ; il est impossible, dans une étude aussi rapide, de les énumérer et de les examiner toutes. Celles que nous venons de préconiser paraissent d’une application relativement facile, elles donneraient promptement de bons résultats. Elles permettraient de constituer, avec ou malgré le service de deux ans, une armée qui conserverait une réelle valeur militaire, plus défensive, il est vrai, qu’offensive, une armée capable de soutenir hautement l’honneur du pays et de défendre heureusement son territoire.

Pareille conclusion ne paraîtra pas, il est vrai, très encourageante. Beaucoup d’esprits resteront attachés à la conception plus séduisante d’une armée moins nombreuse et plus solide, petite, mais forte, en vertu de l’axiome que la qualité est préférable à la quantité. Mais cet incontestable axiome suppose que l’on peut indifféremment choisir entre les deux termes qu’il oppose, qu’on est maître de préférer l’un à l’autre. En est-il ainsi en France à l’heure présente ? Une armée devient-elle forte par cela seul qu’elle est restreinte ; un homme devient-il un soldat par le seul fait qu’il a habité pendant longtemps une caserne ? L’Angleterre vient de faire la dure expérience de la distinction qu’il faut faire entre une armée de métier et une armée de caserne. C’est une grave question de savoir si, dans ces temps de paix prolongée, dans les conditions morales et matérielles où nous nous trouvons, il

  1. Il ne s’agit pas de supprimer l’École de Saint-Maixent, mais d’en modifier le caractère. Cette école ne devrait pas être une école d’élèves-officiers, destinée à transformer en sous-lieutenans ceux des jeunes gradés entrés par voie de concours et classés à leur sortie d’après leurs examens ; elle devrait être, au contraire, une école d’officiers-élèves, où se réuniraient, pour compléter leur instruction générale, des sous-officiers que leur mérite joint à leurs services auraient fait nommer sous-lieutenans. Saint-Maixent cesserait ainsi d’être un Saint-Cyr d’ordre inférieur dont les élèves sont et seront toujours animés d’un esprit d’hostilité vis-à-vis des Saint-Cyriens, par un sentiment fait de jalousie et de vanité blessée.