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serait possible d’obtenir ce maximum de qualité qui permet à une armée de rester forte en étant restreinte, de triompher de la quantité. Je ne me charge pas de la résoudre. Ce qui paraît constant, c’est que, par la force des choses, nous sommes con : damnés en France, et pour longtemps, à vouloir que l’armée atteigne, tout d’abord, son maximum de force en quantité.

Toutefois, il est nécessaire que la qualité s’y maintienne à un certain niveau, minimum indispensable, au-dessous duquel toute armée devient une horde, toute troupe grande ou petite, un véritable troupeau. C’est ce résultat que peuvent obtenir en temps de paix une sage organisation, une instruction bien réglée, le développement régulier des vertus militaires : ordre, discipline, respect, abnégation, esprit de sacrifice. Et ce résultat ne paraît nullement incompatible avec le service de deux ans, si son application est entourée des précautions nécessaires, est précédée ou suivie de l’adoption des mesures générales que nous avons préconisées dans les pages précédentes ou d’autres analogues. On l’obtiendra, si l’on veut et si l’on sait s’y prendre. Il est malheureusement plus que probable qu’on ne le voudra pas ; qu’on laissera cette profonde innovation s’introduire dans notre constitution militaire comme une simple réforme sans autre importance. Le mal, une fois fait, sera irréparable, et nous glisserons paisiblement de la simple milice à la pure garde nationale, jusqu’au jour du tardif et trop cruel réveil.


LIEUTENANT-COLONEL F. DE BROGLIE.