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contient d’aimable et de vivant. Je suis très souffrant depuis bien des jours et par conséquent très peu en printemps, aussi peu que vous l’êtes beaucoup là-bas. M. Delâtre s’agite beaucoup ici pour percer, mais il veut aller un peu vite. Il voit le même jour et ex æquo M. Burnouf et M. de Roosmalen, le professeur de déclamation ; il a une médaille du duc d’Orléans et il me l’apporte. Il voit Emile Deschamps et a l’air de goûter ses sucreries. Je ne lui en ai pas donné et lui ai parlé assez franc. Il est persuadé que pour réussir ici il suffit d’avoir des preneurs ; il commence par la fin et est en train de se tromper.

Le Malgache va à Genève par Gênes, par le Gênes d’Italie, de là le retard.

M. de Lamennais dans un petit livre de pensées et non-pensées écrit sous les verrous, ou du moins imprimé à travers, vient de dire comme quoi décidément les femmes sont incapables de suivre un raisonnement sérieux plus d’un demi-quart d’heure[1]. Ce sont des aménités de moine qu’il rend à Mme Sand pour ses assistances de Clorinde.

M. Vinet, en réfutant Soumet, est véritablement retombé dans le cauchemar qui a suivi sa chute ; ce livre n’est que ridicule, le succès ici n’a été que factice ; tout le monde s’en moque ou personne n’en parle. Est-il possible de faire une telle dépense de larmes et d’encens à l’encontre d’une telle fadaise ?

Il m’arrive de Genève, depuis mon article Töpffer, une quantité de lettres, de livres et d’hommages ; je réponds à tous poliment, et néant du reste.

Mille amitiés, mille ennuis de n’être point à Rovéréaz, à Chamblande, et à Villamont. Je traîne ici mon boulet habillé de velours, mais enfin c’est un boulet. A vous les ailes. Et à tous les vôtres, enfans, sœur, frère, à vous surtout, chère Madame.


2 juin 1841.

M. Chabaille a sa lettre de remerciemens. La petite gentiane est entre deux pages de l’Imitation[2]où elle jouit de l’immortalité des choses du cœur et de l’esprit. Je ne ferai pour M.

  1. Du passé et de l’avenir du peuple.
  2. Nous verrons plus loin qu’il légua un jour son Imitation à Mme d’Arbovville. Ce fut longtemps son livre de chevet. Il avait écrit sur la feuille de garde, du temps qu’il était janséniste ou qu’il croyait l’être, ces mots dignes de Gerson : « Ama nesciri, aime à être ignoré, complais-toi dans l’obscurité. »