Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vulliemin autre chose qu’un petit mot de remerciement que vous lui ferez passer, rien de plus, rien de public ; ma paresse jouira du bénéfice de votre colère, chère Madame, vos paroles très affectueuses m’ont fait un vrai bonheur autant que quelque chose peut m’en faire. Je suis bien flétri, ma situation me déplaît ; mon moral y souffre ; la nécessité m’y retient. Ma mère, qui, avec beaucoup d’esprit, n’a jamais ni intelligence, ni condescendance pour ma rêverie, prend la chose si vivement qu’il m’est impossible de songer à mettre un terme à ma chaîne. Tout cela m’irrite et corrompt tout. Je travaille peu et en deviens peu capable par ma santé, par mon cerveau endolori et meurtri. Si Port-Royal était fini, je me considérerais, après tout, comme dans une demi-liberté ; mais la disposition où je suis est peu propre à me le faire hâter. Je vais à pas de tortue. Voilà les maux, puisque vous êtes assez bonne pour me les demander. Ma vocation serait, quand vient le printemps, de partir avec les hirondelles qui arrivent, de m’en aller vers vous, vers Naples un moment, vers vous encore, de me retrouver aux Agites ou même en Lhioson[1], dussé-je y ramper encore très peu héroïquement, et de gambader au retour. Au lieu de cela, je suis exposé à mon Institut et vais l’être de plus en plus en y logeant, exposé comme une Andromède sur le rocher. Image très fidèle, à la beauté près, car cet Institut fait promontoire au bord de la rivière, au plus beau centre de Paris. Me voilà, au lieu d’un buisson clos derrière Eysins, me voilà exposé à tous les monstres. Plaignez-moi donc en me regrettant.

C’est demain que V. Hugo est reçu académicien, ou, comme on dit, est sacré ; c’est son sacre en effet, c’est à qui s’arrachera un billet. Le discours, dit-on d’avance, est étourdissant, est éblouissant, est resplendissant : ce sont les seules variantes. Salvandy dit qu’il est écarlate, et quel écarlate que celui qui semble tel à Salvandy ! C’est ce dernier qui répond à Hugo. Le discours de Hugo durera six quarts d’heure et même sept, en comptant un quart d’heure pour les applaudissemens. Il y est moins question de Lemercier que de l’Empereur, lui ! toujours lui ! La coupole de l’Institut n’aura jamais ouï tant de métaphores, une telle explosion d’images : Salvandy n’y nuira pas. Ce sera une séance à la Paixhans, disait M. de Rémusat.

  1. Joli lac de montagne.