Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien le même, que, là encore où je suis le plus mouvant et le plus mobile, il suffit tout bonnement de me ressaisir. Vous me tiendrez, et vous me trouverez, comme dit le poète, fidèle à ceux qui m’ont.

Ce que vous me dites de Mme Isabelle m’intéresse ; je suis un peu jaloux d’elle, je l’ai toujours été. C’est ce qui s’est opposé à plus de témoignages de moi à elle, bien véritablement, chère Madame. Mais je l’aime surtout pour une chose, c’est que, sans elle, je n’aurais pas eu la journée de La Sarraz, et ce beau retour le long du lac, par une lune élyséenne. Savez-vous que c’est déjà un bien lointain passé ? Je devrais une réponse à M. Vinet pour une aimable lettre en faveur d’un ami qui a écrit un livre intitulé : l’Homme devant la Bible. M. Vinet m’a paru désirer que j’en parlasse à la Revue, mais c’est difficile ; nous n’y somme ? pas assez chrétiens pour cela. De son côté, l’auteur du livre, M. Bouchet, m’écrivait, à propos de mon séjour de Lausanne et des bons fruits qu’il en désirait, qu’il en réclamait pour moi : « Vous avez connu Vinet, c’est une grande responsabilité ! »

Moi, je sais que je vous ai connue surtout, chère Madame ; responsabilité ou non, je ne m’en inquiète pas ; et les méthodistes les plus respectables me font sourire de croire que ce n’était pas là le principal de ma vie alors, et mon plus cher regret maintenant.

A la bonne heure ! Je félicite Olivier d’avoir visité l’Oberland. Il n’était pas du tout pardonnable d’avoir tant tardé. Je n’y retournerai probablement plus, dans l’Oberland, qui a été mon premier assaut en Suisse ; mais il me racontera cela, et je le saurai comme tant de choses que j’ai appris à sentir par lui.

Adieu et toutes sortes de tendresses et de respects, chère Madame ; amitiés aux vôtres. Je salue de loin les chevrettes, mais je ne cours plus après.

A vous,


Ce samedi, septembre ou octobre 1811.

Chère Madame,

J’aurais dû écrire bien plus tôt : aussi je n’adresse pas à Eysins ; ma lettre ne mérite pas d’y arriver, et vous pourriez n’y plus être. Je ne suis plus en vacances depuis le 15 ; je suis de plus occupé à déménager, à prendre définitivement possession de ce logement à l’Institut qui va tuer mon reste de liberté : je n’ai pu