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revoir Aligi, et que celui-ci va pouvoir innocemment épouser la fiancée qui l’attend : car jamais elle n’a consenti à être sa maîtresse, quelque immense amour qu’elle eût pour lui. Elle raconte qu’en effet, jadis, elle a beaucoup péché ; mais qu’avec l’aide de la Vierge, elle s’est repentie, et qu’à présent, son amour pour Aligi l’a encore purifiée. Oui, elle va s’enfuir, sans même attendre le retour de son ami pour lui dire adieu ! Mais pendant qu’elle hésite, et prie, toute défaillante, une figure d’homme se dresse à l’entrée de la grotte. Et la malheureuse, au lieu d’Aligi qu’elle espérait revoir, reconnaît le père de celui-ci, le vieux Lazaro di Rojo, qui mainte fois déjà a essayé de la posséder. Elle se défend, supplie, et enfin appelle à son secours la petite Ornella, qui tout à l’heure s’en est allée au-devant de son frère, et qu’elle, croit entendre revenir. Et c’est Aligi qui revient ; et brusquement, affolé de rage, il saisit la figure d’ange à demi sculptée, la laisse retomber sur la tête de son père.

Troisième acte. La fille de Jorio a disparu : morte, croit-on. Aligi, condamné au supplice des parricides, va être conduit dans sa maison pour recevoir l’adieu de sa mère. Et d’abord nous assistons, dans cette maison, à une longue scène de lamentations, où, alternant avec la plainte monotone du chœur, la vieille Candia et ses filles gémissent sur l’homme qui est mort, sur celui qui va mourir, sur elles-mêmes, qui n’auraient pas dû naître. Puis arrive le parricide, précédé du bourreau avec l’étendard funèbre. Le jeune homme a la tête couverte d’un voile noir, les deux mains fixées dans une hart de bois. Il s’agenouille au milieu de la chambre, et, s’adressant tour à tour à sa mère, à ses sœurs, à sa fiancée, à l’ombre de son père Lazaro, il les prie de lui pardonner son péché, par amour pour le Christ. Déjà la vieille Candia, — dont les cheveux ont blanchi en une seule nuit, — s’est approchée de lui, a soulevé le voile qui le cachait, et lui a versé entre les lèvres le breuvage que l’on a coutume de faire boire aux suppliciés pour leur donner des forces, lorsque soudain, fendant la foule, accourt impétueusement la sorcière maudite que l’on croyait morte, Mila di Codra, la fille de Jorio. « Mère d’Aligi, s’écrie-t-elle, ses sœurs, sa fiancée, ses parens, porteur de l’étendard funèbre, bon peuple, justice de Dieu, je suis Mila di Codra ! Je viens tout avouer. Écoutez-moi ! C’est le Saint de la Montagne qui m’envoie. Je suis descendue de la montagne pour confesser mon crime en présence de tous. Écoutez-moi !… Aligi, le fils de Lazaro, est innocent. Il n’a point commis le parricide. C’est moi qui ai tué son père, avec une hache ! » Et comme Aligi lui défend de mentir : « Le fils de