Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La démarche a été faite, elle n’a pas produit de résultat. En revanche, M. Pichat a désigné un cuisinier nommé Cendre, ancien domestique des Chartreux, à qui s’était adressé, en demandant à être introduit auprès du Père prieur, le personnage mystérieux venu à Fourvoirie pour lui apporter des propositions. La Commission a décidé qu’elle entendrait Cendre. Mais les procédés d’une commission parlementaire, quelque rapides qu’ils soient, le sont toujours moins que ceux des journaux : la première personne qu’a vue Cendre a donc été un journaliste accouru de Paris pour lui soumettre un jeu de photographies parmi lesquelles il reconnaîtrait peut-être celle de l’ancien visiteur. En effet. Cendre a cru reconnaître, voyez le hasard ! la première photographie qui lui a été présentée ; mais il en a été tellement ému ou effrayé qu’il a refusé de rien dire, et cette émotion, ou cet effroi, l’a accompagné jusqu’à Paris. Comment le journaliste parisien avait-il sur lui, et par-dessus toutes les autres, précisément la photographie dont la vue a produit une si vive impression sur Cendre ? Il faut croire qu’il y a des presciences professionnelles, à la manière des harmonies préétablies. Quoi qu’il en soit, Cendre s’est rendu devant la Commission d’enquête, et là son attitude a été des plus gauches. Soit par timidité naturelle, ou, comme on l’a assuré, par suite de la terreur qu’il éprouvait d’être poursuivi, soit pour tout autre motif, il a dit tantôt blanc, tantôt noir, et toujours sous la foi du serment. Ses hésitations et ses contradictions faisaient de lui le type achevé du témoin qui sait, et ne veut pas parler. La Commission ne s’y est pas trompée. Le malheureux a été vraiment soumis à la question, moralement, bien entendu. Injurié par les journaux, torturé par la Commission d’enquête, un peu tranquillisé par l’assurance qu’il ne courait aucun danger, il a tiré un crucifix de sa poche et juré sur le Christ que l’X… qu’il avait vu à Fourvoirie, et qu’il avait fort bien reconnu sur la photographie du journaliste parisien, était… M. Mascuraud. Nous laissons à penser dans quel désordre cette déclaration a jeté la Commission d’enquête. Le lendemain elle a fait venir M. Mascuraud, qui s’est mêlé à ses membres comme s’il était l’un d’entre eux. Cendre a été introduit. On lui a demandé s’il reconnaissait quelqu’un dans l’assemblée. Il a immédiatement désigné M. Mascuraud, et a maintenu qu’il était bien la personne qu’on cherchait.

Le fait était, en soi, peu vraisemblable. En admettant, — et nous ne l’admettons pas puisque nous n’en avons aucune preuve, et qu’il y a même, comme on va le voir, des présomptions contraires, — en admettant par simple hypothèse que M. Mascuraud ait demandé pour