sa propre pensée. C’est alors, et alors seulement, qu’il s’impose à lui-même un cadre. Ses divisions ont un double objet, qui est, de soulager l’attention de son auditoire, et de limiter son sermon aux justes proportions d’un discours. Il sait, et le mot est même de lui, que c’est « l’ordre, qui met la perfection aux choses. » Il l’y met d’autant plus qu’il y a plus de « choses, » ou plutôt il ne l’y met qu’à la condition qu’il y ait beaucoup de « choses. » La nécessité de l’ordre est à proportion de la richesse du fond. Et ainsi, tout en reprochant à Bourdaloue l’excès de ses « divisions, » faut-il bien prendre garde qu’il « diviserait » moins s’il avait moins d’ « idées. » Sa dialectique, ou ce que l’on est convenu de nommer de ce nom, n’est à vrai dire qu’abondance ou fécondité d’invention, et c’est ce qu’il y a peut-être quelque intérêt à bien montrer.
Le voici donc, je suppose, en présence de l’une des idées maîtresses du christianisme, et de toute philosophie digne de ce nom : c’est l’idée de la mort. Nous craignons la mort : pourquoi la craignons-nous ? et que craignons-nous dans la mort ? La réponse à cette question fera l’objet de tout un sermon. C’est celui qui est intitulé : sur la Crainte de la mort. Mais, cette crainte, n’y a-t-il pas quelque moyen de l’anéantir, ou en tout cas de s’y aguerrir ? Il y en a un, répond le prédicateur, qui est d’oser la regarder en face, et encore mieux de s’y préparer, et c’est le sujet d’un second sermon : sur la Préparation à la mort. Et comme, enfin, cette préoccupation de la mort ne peut pas ne pas réagir sur la conduite ou sur la direction générale de la vie, quels sont, dès cette vie même, les avantages que l’on en peut tirer ? Bourdaloue nous l’apprend dans un troisième sermon : sur la Pensée de la mort.
La « pensée de la mort, » la « préparation à la mort, » la « crainte de la mort, » il semble que ce soient là des idées bien voisines. « Penser » à la mort, c’est s’y préparer ; on ne s’y « prépare » qu’autant qu’on la « craint ; » et, quand on la craint, c’est sans doute une manière d’y « penser. » Mais, si voisines qu’elles soient, ces idées sont cependant distinctes. Il suffit de les méditer ou, comme on dit, de les creuser, pour s’en apercevoir, et c’est ce que va faire Bourdaloue. Nous craignons dans la mort la cessation de la vie ; et c’est le cas de tout homme, en tant qu’il est une créature de chair. Nous craignons dans la mort la séparation de tout ce que nous trouvons de jouissances dans