Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/582

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec ses alliés à son objet réel, qui était de « les entraîner à sa suite sur la rive gauche du Rhin ; » il prévoyait « qu’à mesure que les événemens se prononceraient en faveur des Cours coalisées, elles seraient facilement disposées à hausser leurs prétentions ; que, d’après cela, les conditions de la paix devenant plus onéreuses pour le Cabinet des Tuileries, celui-ci en serait d’autant moins accessible aux conseils de la prudence ; enfin, que le sort des armes pourrait seul faire naître des combinaisons assez décisives pour amener la chute de Napoléon. » Donc, assuré qu’il ne se liait point les mains ni ne se détournait des voies qu’il s’était prescrites, il donna licence à Metternich.


II

Metternich trouva sous sa main l’homme dont il avait besoin pour l’emploi de messager, grande utilité dans cette pièce d’intrigue supérieure. C’était le baron de Saint-Aignan, ministre de France à Weimar, beau-frère de Caulaincourt et de la même confession politique, homme du monde et diplomate de carrière, possédant précisément la dose de « sérieux » et de fatuité qu’il fallait pour être dupe des uns et, sans le vouloir, duper les autres. Il avait été pris à Weimar, le 24 octobre, et emmené prisonnier à la suite de la chancellerie coalisée. Metternich, qui le connaissait, l’entreprit, le 26 octobre, en propos vagues et généraux sur la paix et sur le tort que s’était fait Napoléon en refusant de suivre ses conseils[1]. « L’Empereur, lui dit-il, se fait illusion depuis deux ans. Il a cru faire la paix à Moscou ; ensuite, il s’est persuadé qu’il la ferait à Dresde et que nous ne pourrions lui faire la guerre. Maintenant, qui peut calculer la suite de cette campagne ? Nous voulons sincèrement la paix, et nous la ferons ; il ne s’agit que d’aborder la question franchement et sans détours. Le duc de Vicence sait qu’il y a entre nous, sous le sceau du secret, un écrit qui pourrait faire conclure la paix en soixante heures[2]. L’empereur Napoléon l’a accepté, à deux articles près… Il a fallu déclarer la guerre… dans une conversation de neuf heures avec l’Empereur, je la lui avais annoncée cinq fois, mais rien ne pouvait le lui faire croire… »

  1. Rapport de Saint-Aignan, 10 novembre 1813.
  2. Allusion à l’entretien du 8 juillet 1813, à Prague, et à l’ultimatum de François. Voyez la Revue du 15 juillet, p. 334, 336, 339.