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entier un intérêt et provoque une anxiété que l’héroïsme même des combattans et la grandeur épique de la lutte ne suffisent pas à expliquer : plus que la bataille elle-même, c’est le lendemain de la bataille qui inquiète les peuples et préoccupe les gouvernemens ; ce n’est ni la question de Corée, ni celle de Mandchourie qui retiennent leur attention, c’est l’avenir de la Chine, la domination du Pacifique et l’empire de l’Asie.

Nous tentions ici même, en 1897, d’appeler l’attention sur les conséquences de la guerre sino-japonaise, et nous cherchions à montrer sous quelles influences les marchés de la Chine allaient s’ouvrir et quels seraient les résultats de cette mise en valeur des ressources de l’Empire du Milieu. L’examen des faits nous permettait alors de conclure que la Russie et, dans une moindre proportion, la France, intervenues d’un commun accord pour sauvegarder l’intégrité du Céleste-Empire, tout en provoquant l’ouverture progressive de ses marchés et la mise en circulation de ses richesses, recueilleraient les fruits de cette politique pacifique et prévoyante. Mais des crises successives ont profondément modifié la situation et compliqué le problème : au lieu de paroles de paix et d’espérances avantageuses, c’est le bruit du canon et la crainte des plus graves complications qui nous arrivent d’Extrême-Orient. Comment, par quelles imprudences et quelles déviations, la politique européenne en Chine a conduit les nations occidentales à une situation si déplorable et réduit leurs intérêts à une condition si précaire, c’est ce que nous voudrions aujourd’hui montrer[1].


I

La guerre sino-japonaise a ouvert, en Extrême-Orient, l’ère des grands événemens ; il faut remonter jusqu’à elle si l’on veut comprendre l’origine, le sens et la portée des faits actuels ; elle a révélé, avec éclat, l’avènement à la vie politique d’une grande puissance nouvelle, le Japon, en même temps que, sous la

  1. On trouvera l’exposé des faits, auxquels bien entendu nous ne pouvons faire que des allusions, avec tous les documens, dans l’ouvrage si utile de M. Henri Cordier : Histoire des relations de la Chine avec les puissances européennes, 1860-1902, 3 vol. in-8o (Paris, Alcan). — On nous permettra de rappeler nos articles parus ici les 15 septembre 1897, 1er septembre 1898, 1er novembre 1899, et l’ouvrage : la Chine qui s’ouvre, par René Pinon et Jean de Marcillac (Paris, 1 vol. in-16, Perrin), où l’on trouvera tous les faits essentiels jusqu’au 1er janvier 1900.