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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/668

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l’apathie de l’Occident, pour lui signaler la nécessité de régler la question chinoise et de prévenir les conflits menaçans : ce fut le marquis Ito. Son voyage a été le moment décisif où la guerre aurait pu être évitée et les destins suspendus. Depuis longtemps, le marquis Ito se montrait partisan d’une entente du Japon avec la France et la Russie ; effrayé de l’engouement belliqueux qu’il voyait grandir dans la presse et dans l’opinion de son pays, persuadé que la guerre, même victorieuse, ne pourrait apporter à sa patrie que malheurs et révolutions, il venait chercher en Europe les moyens de résister à un si dangereux entraînement ; il souhaitait notamment de contracter un emprunt qui lui fournît les moyens de tenir tête au parti de la guerre en donnant l’essor à l’activité économique du Japon. A Paris, où il vint tout d’abord, (novembre 1901) le marquis Ito espérait trouver un concours efficace pour parvenir à cette entente avec la Russie, qui n’était pas impossible et qui était le seul espoir d’empêcher la guerre ; il appartenait à la France de prendre, comme elle l’avait fait en 1895, ce beau rôle de conciliatrice, de prêcher la paix aux deux rivaux et, au besoin, de l’imposer ; aux Japonais, nous aurions fait entendre que, s’ils attaquaient les Russes, ils auraient affaire aux deux alliés ; aux Russes d’autre part, nous aurions donné avec énergie des conseils de sagesse ; nous les aurions avertis que, en Extrême-Orient, nous n’étions pas solidaires de leurs imprudences. Mais, à Paris, le marquis Ito ne trouva pas à qui parler ; le concours politique, sur lequel il croyait pouvoir compter, lui fit défaut ; il se mit en rapport avec les chefs de nos grands établissemens financiers, mais ceux-ci ne reçurent pas les hautes directions qu’ils devaient naturellement attendre. A Saint-Pétersbourg, le diplomate japonais ne fut pas plus heureux ; le comte Mouravief poursuivait alors, avec l’Angleterre, un rapprochement dont les hommes d’Etat et les publicistes britanniques[1] surent habilement faire miroiter l’appât devant le ministre russe. Découragé, le marquis partit pour Londres où, quelques jours après, le ministre du Japon signait, avec lord Salisbury, le fameux traité d’alliance anglo-japonaise (30 janvier 1902).

Après avoir affirmé la nécessité de l’indépendance de la Chine et de la Corée, les deux parties contractantes se

  1. Voyez la campagne de Calchas dans la Fortnightly Review.